De plus en plus d'artistes français viennent tenter leur chance en humour à Montréal. La Presse a demandé à quatre humoristes originaires de l'Hexagone, en spectacle au festival Juste pour rire et à Zoofest, de nous expliquer le phénomène.

Roman Frayssinet

«J'ai toujours su que je voulais faire des blagues, et j'avais remarqué lors d'un passage au Québec que l'humour ici avait de l'avance sur la France. Donc à 18 ans, lorsque j'ai dû choisir en quoi j'allais étudier, j'ai décidé d'aller là où c'était le mieux. Pour moi, l'élite des blagues dans la francophonie est ici, donc j'ai étudié à l'École nationale de l'humour. Et je crois que je ne me suis pas trompé. En fait, je crois que c'est la meilleure décision de ma vie. Le Québec a un gros mérite dans ce que je fais maintenant. Depuis 2016, je passe six mois par année en France et six mois au Québec. J'ai de belles propositions en France, mais je ne veux pas abandonner ma place au Québec. C'est bon pour moi de baigner dans l'élite.»

Roman Frayssinet participe à quelques cabarets et galas de Zoofest et de Juste pour rire. Il présente aussi son spectacle solo Au II là. «L'an dernier, j'ai présenté , qui était une grosse réflexion sur la réalité. Suite à un bad trip sur le champignon qui a duré toute l'année, je me suis mis à douter de la réalité. Maintenant que j'en suis revenu, j'ai écrit un nouveau spectacle!», dit-il.

Fary

«D'abord, puisque vous êtes voisins des États-Unis, la culture du stand-up est arrivée beaucoup plus vite que chez nous. J'avoue que la première fois que je suis venu ici, ça m'a surpris et même choqué: ils sont forts, les humoristes au Québec ! J'avais l'impression que nous étions aux États-Unis, mais que les gens parlaient français. De plus, les gens consomment beaucoup d'humour au Québec et il y a un respect pour les humoristes que nous n'avons pas en France. Vous avez même "la relève" que nous n'avons pas. La vision du stand-up est moins ouverte en France, où on associe plus le stand-up aux mecs de la banlieue. [...] Je pense que les grands humoristes américains sont des penseurs. Pour moi, l'humour est juste un vecteur. Je suis un grand fan d'Adib Alkhalidey, parce qu'entre autres, nous avons l'impression qu'il vient nous raconter quelque chose avant de vouloir nous faire rire.»

Fary présente à Zoofest son spectacle Fary is the New Black et il participe au Cabaret des maudits Français. Dans les numéros qu'il présentera, il aborde les thèmes de l'homosexualité, du racisme et de l'identité.

Photo fournie par Zoofest

Fary

Éric Antoine

«J'ai été éberlué par la popularité des humoristes québécois. En France, je fais partie des cinq plus gros vendeurs en humour. Et si je me compare avec vos humoristes, je vends peut-être le même nombre de billets qu'un humoriste ici, alors que le marché est huit fois moins important. Les humoristes sont des rockeurs ici ! Je suis impressionné par votre vivacité et votre créativité. Des fois, je me dis que je fais des photocopies de moi-même, parce que ça fait 15 ans que je fais ce métier. Et vous savez, plus on fait de photocopies de l'original, plus on perd les couleurs. Quand je viens ici, je peux faire de nouveaux dessins, parce que je suis inspiré.» 

Éric Antoine participe à quelques galas et présente son spectacle solo au festival Juste pour rire. «Dans mes spectacles, je peux faire beaucoup de magie en 15 minutes, et ensuite, j'arrête complètement d'en faire et nous sommes dans la pensée. Je ne suis pas un magicien comique, je suis un humoriste illusionniste», explique-t-il.

Photo fournie par Juste pour rire

Éric Antoine

Blanche Gardin

«Au Québec, la notion de travail est beaucoup plus forte que celle des humoristes français. Ça me fait toujours du bien de passer du temps ici, parce que j'ai l'impression que je fais un stage. Contrairement aux humoristes en France, où j'ai l'impression que nous dormons plus sur nos lauriers, les humoristes au Québec sont toujours en train de travailler, de prendre des notes dans des calepins, etc. Ça fait quatre fois que je viens et je pense que j'ai été contaminée: je travaille plus mes textes maintenant!»

Blanche Gardin participe à quelques galas, dont Juste engagé, animé par Laurent Paquin et Jean-Luc Lemoine. À Zoofest, elle présente son spectacle solo Je parle toute seule et participe au Cabaret des maudits Français. «Dans les numéros que je vais présenter, je parle du statut de la femme de 40 ans sans enfant, des nouvelles technologies et de la domination masculine dans la sexualité, avec quelques anecdotes croustillantes de sodomie», dit l'humoriste.

Photo fournie par Zoofest

Blanche Gardin