Pour Trevor Noah, qui prend le siège de Jon Stewart à la barre du populaire Daily Show en septembre, l'époque des cabarets et petites scènes est révolue. L'humoriste de 31 ans a fait son chant du cygne du circuit sud-africain avec un spectacle intitulé Lost in Translation, qui a fait salle comble au kitsch Montecasino de Johannesburg.

À quelques jours de sa prestation ce soir comme animateur d'un gala Just for Laughs, Trevor Noah a accordé une rare entrevue (par courriel) à La Presse.

«Il y a quelques années [en 2013], j'ai eu le plaisir de visiter Montréal, de donner un spectacle d'une heure, de faire la première partie pour Dave Chappelle et de participer à un gala animé par Eddie Izzard. C'était ma première visite à Montréal et cette expérience a été magique. Cette fois-ci, j'ai la chance d'animer un gala. C'est au-delà d'un rêve devenu réalité», a indiqué Trevor Noah.

De fait, depuis l'annonce de sa nomination comme remplaçant de Jon Stewart, en mars dernier, Trevor Noah est l'incarnation du rêve africain pour tous ses compatriotes humoristes qui aspirent à respirer le même air que les Jon Stewart, Louis C.K., Jerry Seinfeld, Stephen Colbert...

Figure rassembleuse

«Ouais, ouais, Trevor Noah s'est cassé les dents chez nous», ironise sur un ton faussement blasé Fahiem Stellenboom, directeur du marketing du Baxter Theatre, où Trevor Noah s'est produit à maintes reprises devant le public du Cap, rompu à l'humour corrosif d'une nouvelle cohorte de comiques sud-africains qui n'ont pas la langue dans leur poche. «Je ne connais pas son point de vue sur l'égalité des sexes, mais pour ce qui est de l'égalité raciale, il est un excellent ambassadeur pour l'Afrique du Sud», affirme Fahiem Stellenboom.

Les tensions raciales en Afrique du Sud ou aux États-Unis, les fantaisies du président Jacob Zuma, les blessures de l'apartheid, la pauvreté endémique et la répression policière sont autant de sujets qu'abordent Trevor Noah et ses comparses comme Loyiso Gola et Nick Rabinovitch, qui ont émergé depuis la chute du régime de l'apartheid, qui réduisait à néant la possibilité de rire et de s'exprimer.

Exception culturelle au pays encore meurtri de Nelson Mandela, Trevor Noah est autant aimé par les Blancs, les Noirs, les Indiens et autres citoyens de la nation arc-en-ciel... Samedi soir dernier, il leur rendait cette affection en remerciant, par duplex, l'auditoire des MTV African Music Awards, qui décernait à Noah le trophée de l'humoriste africain de l'année.

Dans un épisode de l'émission web Comedians in Cars Getting Coffee, le comique américain Jerry Seinfeld a interrogé Noah sur ce qui le motivait à être aussi prolifique et actif depuis qu'il a fait ses premières armes comme humoriste, au milieu des années 2000.

«J'étais pauvre», a lâché simplement Trevor Noah, qui a profité de l'occasion pour expliquer à Seinfeld comment la répression de l'apartheid a marqué son enfance dans les années 80.

Trevor Noah a grandi dans le township de Soweto, où il était perçu comme un «enfant du crime», puisque sa mère était une Noire xhosa et son père, un Blanc d'origine suisse.

Pendant les années d'apartheid, les parents de Trevor Noah n'avaient pas le droit de marcher sur le même trottoir, au risque de se retrouver en prison, comme le voulaient les règles du régime tombé en 1994.

Citoyen du monde

Trevor Noah, qui a fait sa marque en abordant avec un doigté exceptionnel des sujets comme la ségrégation raciale, prend le relais de Jon Stewart dans le contexte de la fin de l'ère Obama, des aspirations républicaines de Donald Trump, du spectre des attaques de Charleston...

Ces jours-ci, Trevor Noah, qui a élu domicile à New York, prépare le terrain en prévision de son arrivée à la barre du Daily Show. Invité du Tonight Show il y a quelques jours, il comparait la campagne électorale américaine à la série télé Game of Thrones.

L'humoriste se perçoit comme un «citoyen du monde» dont l'humour prend racine dans ses origines sud-africaines.

«Je trouve toujours des éléments qui me relient aux gens, peu importe où je suis sur la planète», a affirmé à La Presse cet enthousiaste usager de Twitter, qui a rallié des millions de clics sur YouTube en imitant un Nelson Mandela saoul le jour de son anniversaire ou en parodiant une surfeuse californienne qui ne connaît rien de l'Afrique. «Mon objectif numéro un est de faire rire. À travers le rire, tout est possible, mais je n'oublie jamais le pouvoir d'une blague.»

Trevor Noah, qui maîtrise six langues et s'est produit à Sydney, à Dubaï et à Édimbourg, sait s'adapter et se transformer au gré des contextes culturels et des publics. À quelques semaines de son arrivée dans l'arène du Daily Show, il compte bien s'amuser avec le public montréalais. «Montréal est une ville formidable avec un des meilleurs publics au monde. Je sais que c'est une ville où l'on peut réellement explorer des propos et s'attendre à une réponse honnête de la part du public.»

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Le gala Just For Laughs de Trevor Noah, à la salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts, ce soir à 21h45.