Homme de théâtre - et particulièrement de théâtre shakespearien -, acteur culte de la série Star Trek: The Next Generation, personnage pivot des films de superhéros X-Men, le Britannique et honorable sir Patrick Stewart animera ce soir un gala Just For Laughs à Montréal. Un tout nouveau rôle pour le grand comédien de 75 ans, qui n'hésite pas, tel le capitaine Jean-Luc Picard, à s'aventurer dans les coins les plus reculés de la... comédie!

Vous participez souvent à des congrès de fans de science-fiction de type Comiccon [NDLR notamment à Montréal en 2014], mais animer un gala d'humour, c'est tout autre chose. Qu'est-ce qui vous a décidé à le faire?

Le défi, c'est ce qu'il y a de mieux! Toute ma vie, j'ai trouvé irrésistibles les projets qui avaient l'air d'être complètement en dehors de mon champ de travail habituel. Dès que c'est possible, je saute sur ces occasions, parce que je ne me suis jamais vu comme juste un comédien de répertoire classique ou juste un acteur de science-fiction au petit et au grand écran. Alors, constater, au cours des dernières années, qu'il y a des gens qui pensent que je peux aussi être un comique est franchement merveilleux. Si j'ai peur d'animer le gala? Tu parles, complètement! Cela va sans doute être un des publics les plus difficiles que j'aurai eus à affronter. Et en plus, à ce gala, je vais être entouré de certains des plus brillants humoristes du moment, très drôles et expérimentés... Mais je veux tenter le coup!

Comment travaillez-vous pour ce gala?

J'ai bien sûr parlé avec le directeur de Just For Laughs, et nous avons mis au point certaines choses. Je serai souvent seul sur scène, avec des monologues. Je suis un nouveau venu dans ce milieu, mais depuis deux ans, je travaille beaucoup l'improvisation, je fais partie d'une troupe de théâtre de Chicago appelée Improvised Shakespeare Company. Si je suis dans la même ville que la troupe et que je suis libre, je me joins aux comédiens, sans préavis, quand cela est possible. Depuis deux ans, je fréquente donc des gens extrêmement talentueux, de véritables athlètes du théâtre, qui sont aussi bien des experts de Shakespeare que doués en improvisation. Dans cet environnement sans texte écrit, vous apprenez à écouter attentivement, à être très flexible et à être capable autant de souplesse que de réalisme. C'est un excellent exercice pour moi, c'est un peu comme retourner à l'école. En tout cas, c'est certainement une bonne préparation pour animer ce gala.

Profiterez-vous de l'occasion pour commenter la politique, comme vous le faites sur Twitter?

Oh oui! Vous savez, j'ai été actif en politique dès 1945, lors des premières élections post-Deuxième Guerre mondiale tenues en Angleterre: j'avais 4 ans et mon père m'avait fait une pancarte que je promenais devant le bureau de vote près de chez nous afin de convaincre les gens de voter, vous l'aurez deviné en me lisant sur Twitter, pour la gauche, pour le Parti travailliste. J'adorerais faire un peu d'humour à saveur politique, on y travaille.

Vous aimez relever les défis, c'est évident, mais est-ce vrai que vous êtes en train d'apprendre à jouer de la batterie?

Oh mon Dieu, je n'en reviens pas, tout le monde me pose des questions sur ce sujet depuis quelques jours! Ma femme [NDLR: la chanteuse jazz Sunny Ozell, qu'il a épousée en 2013] va bientôt lancer son premier album. Elle fait beaucoup de promotion média en Grande-Bretagne, elle donne un spectacle à Londres. Son directeur musical, qui est aussi son batteur, a vécu chez nous une dizaine de jours et un soir, au souper, je lui ai dit: «C'est le moment ou jamais, donne-moi un cours Batterie 101.» Ce qu'il a fait. Et ç'a été vraiment exigeant. Si exigeant en fait que, avant même la fin du souper, j'avais décidé que je ne serais pas un batteur, finalement! Mais j'ai raconté la chose à un journaliste. Et voilà le résultat! C'est certainement la plus courte carrière de batteur jamais eue!

Comment expliquez-vous que votre carrière, qui a débuté avec des rôles dramatiques au théâtre, évolue au cours des dernières années vers la comédie? Je pense par exemple à votre rôle très autodérisoire dans la série télé Extras, à celui que vous tenez dans la comédie télé Blunt Talk (diffusée à compter d'août) ou à votre rôle d'animateur à Just For Laughs.

Je pense que je suis la raison même de cette transformation. J'ai toujours aimé la comédie. Petit, j'écoutais la radio: dans les années 40 et 50, les émissions d'humour à la radio britannique étaient géniales. J'adorais les écouter, elles me faisaient rire - alors qu'il n'y avait pas grand occasion de rire dans ma vie quand j'étais enfant [NDLR la violence conjugale régnait dans le foyer de Patrick Stewart]. À l'époque, un de mes héros était l'acteur américain Danny Kaye, dont j'avais vu tous les films: j'apprenais ses dialogues et j'essayais de l'imiter! Et puis, il y a eu les films de Monty Python, et puis la série télé Porridge, et puis l'incroyable télésérie The Office... Au théâtre, pendant des années, j'ai interprété des rôles plutôt comiques dans les pièces de Shakespeare, avant de me mettre à incarner des névrosés hystériques [rires]! Donc, quand l'occasion s'est présentée de faire quelque chose de drôle, j'étais déjà mentalement prêt. Mes deux plus grands héros, parmi les comiques, sont certainement Laurel et Hardy, et je regarde encore leurs films aujourd'hui. Je me plais même à dire que Stan Laurel est en quelque sorte un membre de ma famille: ses parents comédiens faisaient la tournée des music-halls de Grande-Bretagne; un jour, avec leur bébé, ils sont venus vivre à la pension que tenait ma grand-mère. Ce bébé, c'était Stan et ma grand-mère l'a gardé pendant que ses parents jouaient, à la fin du XIXe siècle! Il est donc possible que le gène de la comédie soit en moi par l'entremise de Stan gardé par ma grand-mère, pourquoi pas?

Cela vous fait plaisir d'être de nouveau à Montréal?

Très. Quand nous sommes venus pour le tournage de X-Men: Apocalypse (tourné en avril et mai derniers; à l'écran en mai 2016), je vivais dans le Vieux-Montréal et j'y ai trouvé un restaurant qui, le matin, faisait de fabuleux cafés. Et qui servait des croissants au chocolat. C'est-à-dire de délicieux croissants que vous trempiez vous-même dans du chocolat tiède. C'était divin! Depuis, quand on me dit «croissant», je pense toujours à Montréal!

____________________________________________________________________________

Gala Just For Laughs animé par sir Patrick Stewart, à la salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts ce soir, 21h45.