Est-ce que, comme Yannick De Martino, Fred Dubé s'est fait dire par Mario Jean qu'il aurait avantage à faire «des jokes de pénis»? On l'ignore, mais il aurait pu s'abstenir...

Mardi au théâtre Sainte-Catherine, on ne s'attendait pas à ce qu'il commence son nouveau spectacle par un couplet sur la masturbation et à ce qu'il le finisse par des blagues sur le clitoris et une imitation inélégante de la mort de Philip Seymour Hoffman dans sa salle de bains. Même si une réflexion sur l'ascension sociale sans le parachute de la raison se profilait derrière.

C'est d'autant plus dommage que le talentueux humoriste trentenaire - doté d'une bonne culture générale et d'une propension à réfléchir sur la société - a passé l'âge des blagues d'ado ou de cégépien.

Il aurait pu commencer dans le vif du sujet en parlant de cette infirmité universellement partagée qu'est l'ignorance. Car quand il surfe sur une écriture de qualité, Fred Dubé transforme son humour en terreau pour l'esprit.

Quand il plaisante sur les compagnies d'assurances «qui ambitionnent pour faire de l'argent sur les peurs des gens», il fait mouche. Quand il récite un extrait d'Hamlet pour signifier qu'il a des connaissances littéraires, mais aucune en mécanique automobile ni en ce qui a trait au hockey, il marque des points. D'autant qu'il précise que toute connaissance est bienvenue pour éloigner l'inculture. «La double ignorance, c'est quand on ne sait pas qu'on ne sait pas», dit-il.

À peine a-t-il élevé son discours qu'il retombe dans les blagues du style «Comme a dit le commandant Piché, un avion, c'est comme les seins: c'est stressant quand ça touche le sol».

Quelques instants plus tard, il parle de démocratie et de liberté. «Le hockey, c'est un divertissement ou c'est fait pour endormir le peuple?», demande-t-il, avant de critiquer la police de Montréal et son usage immodéré de la matraque lors des manifestations des «carrés rouges». «Répliquer à des boules de neige, c'est comme lâcher lousse Robocop dans La guerre des tuques!», illustre-t-il.

Après quelques banderilles plantées dans la chair des médias qui jouent le jeu de la police et du jaunisme, il ajoute que, de toute façon, il a débranché le câble de la télé. «Je l'ai remplacé par le réseau d'égout et ça n'a rien changé: c'est la même marde que je vois.»

Puis, il vilipende la «religion la plus pratiquée au Québec: la sainte consommation», ayant pris en grippe le quartier DIX30, ce «Vatican du divertissement, les îles Galápagos version douchebag».

Il poursuit en invitant les gens à être plus «solidaires», à se révolter et à rejeter la grande richesse, celle qui se cache «dans le paradis fiscal, pour les gens à droite de Dieu».

Le spectacle est souvent bien écrit, mais ce n'est pas suffisant. La parole part un peu dans tous les sens, méritant d'être resserrée et épurée. Comme l'huile et l'eau, les segments plus ordinaires se mélangent mal aux parties plus cérébrales. Une bonne décantation serait de rigueur.

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Au théâtre Sainte-Catherine jusqu'à demain.