Si vous croyez que Mike Ward et Maxim Martin sont vulgaires, grossiers, racistes, sexistes, ce ne sont que des enfants d'école face aux humoristes qui se produisent au Nasty Show, le spectacle le plus populaire et le plus durable de l'histoire de Just For Laughs.

L'humour est chose éminemment culturelle, donc tout est affaire de contexte sociopolitique, géographique, historique et linguistique. Ce qui fait rire dans une langue peut laisser indifférent ou choquer outrageusement dans une autre.

Il faut avoir «vécu» le Nasty Show de Just For Laughs pour le comprendre. L'on peut comprendre tout de suite, y prendre goût et revenir plusieurs fois ou quitter la salle, même avant l'entracte. Pas de demi-mesure devant un humour plus que gras, irrévérencieux, voire vicieux et dérangeant.

Pour pratiquer et briller dans ce genre d'exercice, il faut souvent des années de métier. N'est pas Louis C.K., Jim Jefferies ou Margaret Cho qui veut.

Mitigé, le spectacle de cette année démontre le clivage qui existe désormais entre les générations d'humoristes qui vont là où la bouche n'a jamais osé mettre les pieds. Trois vétérans versus trois membres de la relève. Les premiers, Bobby Slayton, Mike Wilmot et Paula Bel pratiquent surtout un humour fâché, envers et contre tout, et tous, envoyant souvent le public se faire voir.

Il est de bon ton, dans ce genre de spectacle par exemple, pour Slayton, en tant que maître de cérémonie, de maudire les francophones et les étudiants d'entrée de jeu, avant de conclure en disant «à tout à l'heure» avec un grand sourire à la toute fin. L'air de dire «je vous ai bien eus».

Les trois humoristes de la relève, s'avèrent plus intéressants, quoique moins appréciés d'une partie du public, très premier degré. Un nom à retenir, déjà dans l'oeil des recruteurs, Ben Roy. Contrairement aux autres, il sait bouger sur scène et son humour se veut complètement à contre-courant. Sa vie n'a rien d'ennuyant, sa femme est extraordinaire et son message est clair: soyez qui vous êtes, arrêtez de prétendre à autre chose, baisez et soyez heureux. Absolument rafraîchissant dans un Nasty Show.

Dans un registre prometteur, absurde, mais qui demande à être affiné, Mike Lawrence et Brian Keith Etheridge savent déranger sans insulter personne. Le propos est grivois, déjanté, pervers même, mais les deux humoristes privilégient l'autodérision et la perspective inattendue, plutôt que la colère et la facilité.

Lawrence est mince, mais bedonnant, cheveux courts et barbe longue. Le parfait nerd qu'on imagine passer 25 heures sur 24 devant l'ordinateur dans son sous-sol de banlieue. Son propos frise le surréel. Il ose souhaiter que la chanteuse Adèle, que l'on sait maintenant enceinte, perde son bébé. «Imaginez, fait-il innocemment, elle écrirait le meilleur album de l'histoire puisque le premier est le résultat d'une rupture avec son amoureux».

Nasty, dites-vous?

Brian Keith l'est tout autant. Ce scénariste pour la télévision - il a notamment collaboré à South Park - avoue être tellement en manque... qu'il ferait l'amour à n'importe qui ou n'importe quoi dans la salle du Club Soda. Avec son air intello et ses grosses lunettes, on l'imagine davantage à la bibliothèque ou dans une conférence scientifique qu'en train de parler d'amour oral dans un festival d'humour.

Il en parle tant et tant, faisant la leçon aux uns et aux autres, que lorsque les lumières se rallument à l'entracte, les spectateurs sont gênés de se regarder dans les yeux.

Décrit d'une telle façon, difficile d'en rire. L'humour est affaire de contexte... Le Nasty Show plus que tout autre. Aventuriers, ne surtout pas s'abstenir.

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Le Nasty Show au Club Soda, les 13, 14, 15, 27 et 28 juillet.