Rachid Badouri a ouvert la voie au Québec pour des humoristes ethniques de la relève comme Nabila et Eddy King, en mêlant habilement ses racines marocaines à son quotidien montréalais.

«L'humour ethnique est à la mode en ce moment. Quand on est humoriste et qu'on fait du stand up, on parle à la fois de soi et de sa culture», explique l'humoriste d'origine congolaise Eddy King.

Né en Iran, Maz Jobrani a immigré en Californie à l'âge de six ans. Tête d'affiche aux États-Unis comme au Moyen-Orient, il sera à la barre du Ethnic Show, présenté à partir de ce soir au Cinéma du Parc dans le cadre de Just For Laughs, véritable buffet multiculturel comique dans lequel Italiens, Grecs, Iraniens et Haïtiens seront à l'honneur.

«J'ai décidé de faire de l'humour ethnique parce que je savais que c'était là où se trouve l'argent!» dit Maz Jobrani, à la blague.

«Quand j'ai commencé à faire du stand up il y a 14 ans, j'ai pris des cours et on m'a demandé d'écrire sur ce que je connaissais le mieux, et c'est mon expérience d'Iranien ayant grandi aux États-Unis qui m'est immédiatement venue en tête. Cela a été le point de départ de ma carrière. À force d'écrire, je me suis rendu compte qu'il y avait plus en moi que mes origines, et maintenant, mon matériel touche à tout ce qui m'intéresse, mes voyages, en passant par mon mariage et mes deux enfants», précise-t-il.

Trouver son public

Aux yeux de Maz Jobrani, l'humour ethnique est aussi un bon moyen de trouver son public et de se faire connaître.

«Ce n'est pas tant que l'humour ethnique soit lucratif. Tout art dans lequel il est facile de trouver son public nous aide à avoir plus de succès. J'ai des amis très drôles qui ont mis plus de temps à se faire connaître, car ils n'étaient pas issus de communautés culturelles ou des minorités visibles. Ce sont de simples humoristes blancs. Ce qui m'a vraiment permis d'être connu a été la tournée organisée par Comedy Central. Avant ça, quand je voulais faire parler de mon spectacle, je communiquais avec l'Association des étudiants perses, le groupe d'Études arabes, l'Association des étudiants musulmans ou juifs, bref tous ceux qui souhaiteraient entendre parler du Moyen-Orient», précise-t-il.

Déconstruire les préjugés

L'autodérision et l'utilisation de références culturelles différentes permettent également aux humoristes de partager avec les spectateurs de tous les horizons ce qu'ils pensent de leur pays d'origine, déboulonnant au passage certains mythes et idées préconçues.

«Si je peux faire une blague et avoir un message caché en même temps, c'est un bonus. Un de mes souhaits les plus chers quand les gens viennent voir mon spectacle, c'est qu'ils repartent avec l'esprit plus ouvert en disant: «Il vient du Moyen-Orient, il est iranien et, pourtant, il n'a rien volé!» «, s'amuse Maz Jobrani.

«Le gros problème, c'est quand nos compatriotes sont représentés à l'étranger par une petite minorité qui fait des choses négatives. Les Américains ne connaissent pas beaucoup les personnes originaires du Moyen-Orient. Mes amis m'appellent et me disent: «J'ai écrit un rôle et tu serais bon». Mais c'est toujours un gars avec un accent prononcé avec les mêmes stéréotypes. L'humour ethnique peut contribuer à faire en sorte que le public découvre une nouvelle culture tout en s'apercevant qu'elle n'est pas si différente de la sienne», explique Jobrani.

En France, c'est en grande partie grâce au Jamel Comedy Club que le stand up ethnique a fait son apparition. Il a permis de faire connaître de nombreux jeunes de la relève issus des communautés culturelles, comme Claudia Tagbo.

«Chez nous, on dit humour communautaire», tient-elle à préciser d'entrée de jeu.

«Pour moi l'humour n'a pas de couleur et est propre à chaque individu. Mais si parler de ses origines peut permettre d'ouvrir des portes, allons-y!», explique l'humoriste d'origine ivoirienne.

«Si j'étais bretonne, je parlerais de la Bretagne. Dans mon cas, c'est mon identité africaine qui est là et que je ne peux pas renier. Elle transpire en moi donc je m'en sers et ça m'a aidé à casser certains codes», conclut-elle.