Gregory Charles gravite dans l'environnement de Juste pour rire depuis longtemps, mais c'est la première fois qu'on lui offrait l'animation d'un des chics galas. On s'attendait, bien sûr, à un spectacle dans lequel la musique allait primer sur l'humour, ce qui fut en partie le cas, mais la musique aura aussi été prétexte à rigolade. Et Gregory Charles, dans son plaisir manifeste à se travestir, semble être un digne successeur de Normand Brathwaite dans la tâche de l'hôte, une autre corde qu'il peut ajouter à son arc.

Ce qui se passe à Vegas ne reste pas toujours à Vegas. La preuve, c'était le thème du Gala de Gregory Charles, qui a joué sur les attraits de la ville de tous les vices pendant la soirée de samedi au Théâtre Saint-Denis. Il a ouvert le spectacle comme un véritable gentleman crooner, enfilant les classiques, jusqu'à présenter ses principaux invités sous la forme du Rat Pack: Laurent Paquin, Serge Postigo, Marc Dupré, Mario Tessier et Alex Perron faisait la demoiselle.... On se moquait encore de l'image de  gars parfait de Gregory, qui venait en plus d'annoncer son mariage. Mais cet enterrement de «vie de garçon» allait se passer sans filles et sans alcool. Plus ou moins vrai: beaucoup de filles ont dansé pendant les numéros musicaux, mais Gregory Charles, appuyé par Serge Postigo à qui il n'a pas donné d'autre choix que de s'humilier avec lui, n'a pas hésité à porter plumes, bustiers et paillettes pour amuser la galerie. Un truc de travesti que Normand Brathwaite affectionnait particulièrement, ainsi que le public. Mais si Gregory n'a pas le talent comique de Brathwaite, il a en revanche une meilleure voix, ce dont il ne s'est pas privé.

Une belle surprise parmi les invités: la comédienne Valérie Blais (Tout sur moi), qui avait envie de se mouiller à Juste pour rire avec un monologue sur «les grosses». Pourquoi est-ce drôle, les grosses, se demandait-elle? La question mérite réflexion, et à mené à une exploration de l'enfant intérieur en chacun, qui nous dit à tous: «fuck you». Une tentative plutôt réussie de sa part, on est curieux de voir la suite.

Alex Perron a cassé la baraque dans un numéro burlesque d'atroce chanteuse de cabaret, que ses fans connaissent sous le nom de Ginger Poitras. Ginger massacre la langue française autant que les chansons de son répertoire. Le comique réside essentiellement dans l'interprétation beaucoup plus que dans le texte, mais c'est parfait comme ça. Accompagné de Sylvie Desgroseillers et de Marie-Hélène Thibert, c'était encore plus drôle.

Les Chick'n'Swell ont présenté un numéro de leur prochain spectacle, un bijou de stupidité absurde, difficile à décrire en mots: il faut le voir, point. Éric Tessier des Grandes Gueules a fait un concours d'Elvis avec Gregory Charles; Dominic et Martin ont joué les magiciens médiocres; le performeur Mark The Knife a joué avec nos nerfs en insérant un scorpion dans ses pantalons tout en jonglant avec un boule de bowling enflammée; Charlypop et le quatuor Qwartz ont mélangé la pop et le classique. Tout cela, c'était la portion «variétés», qui a bien diverti le public, alors que ce type de numéros ressemblent habituellement à du remplissage. En raison du thème, ils étaient dans le ton.  Les humoristes Ben Lefebvre, Laurent Paquin, Sylvain Larocque et Geneviève Gagnon s'occupaient de la portion stand-up, ce qu'ils ont tous fait avec brio, les débutants et les routiers étant plutôt à égalité dans l'approbation du public.

Marc Dupré, comme l'a annoncé l'animateur, faisait son retour sur scène comme humoriste, la carrière musicale n'ayant pas fonctionné comme il l'aurait voulu- c'était le sujet de son numéro. Ça va mal, dans l'industrie de la musique, dit-il. Gabrielle Destroismaisons devrait se nommer Gabrielle dans une trois et demie, Jean «John The Woolf, Roi Ponpon, etc.» Leloup porte plusieurs noms pour recevoir plusieurs chèques d'aide sociale, et tout ce que Kevin Parent a mangé à Québec, c'est une volée. La plupart ont eu droit à ses talents d'imitateurs. Ce retour dans le giron de l'humour semble prometteur pour Dupré.

Le tout s'est terminé avec le couple Gregory Charles et Serge Postigo déguisés en Céline Dion, complètement déchaînés. De toute évidence, la jupe leur va bien. Et, au final, c'est le gala de Gregory Charles qui aura provoqué le plus d'ovations debout.

Le côté workhaolic et premier de classe de Grégory Charles a toujours été sujet de moquerie, mais c'est aussi sa marque de commerce, qui lui sert dans l'autodérision nécessaire pour animer un Gala Juste pour rire. Il est tout sauf un tâcheron, et ça paraît dans son dévouement sur scène. Surtout, il se dégage de cet homme une joie de vivre contagieuse, ce qui est plutôt rare de nos jours. C'est la première fois, de mémoire, qu'on revient d'un gala Juste pour rire les oreilles qui bourdonnent, avec l'impression d'avoir assisté plus à un concert qu'à un show d'humour. C'est ce que l'on craignait au départ, et c'est finalement ce qu'on a aimé. Gregory aura sûrement un deuxième gala l'an prochain - si son emploi du temps le lui permet!