On le sait, Guy Nantel est l'un des rares humoristes du moment à pratiquer l'humour politique, un créneau anormalement déserté alors que l'actualité est plus que jamais florissante pour les amateurs du genre. Assez pour faire dire à Nantel: «Cette année, j'avais carrément l'impression que Jean Charest était scripteur sur mon gala».

Nantel peaufine depuis plusieurs années un personnage qui ressemble au Marcel de Yvon Deschamps, un homme borné qui lui permet de jouer sur les préjugés, en disant exactement le contraire de ce qu'il pense. La formule fonctionne encore, et Nantel va toujours plus loin dans l'autodérision, en pointant nos travers pas très glorieux. Et c'est en parlant des Glorieux qu'il nous a montré notre premier travers, en nous exposant le poids médiatique des nouvelles ayant le plus marqué le Québec cette année: au top cinq, que des nouvelles sur le Canadien de Montréal, alors qu'au Canada anglais, le séisme en Haïti ou la prorogation du parlement faisaient partie des préoccupations. «Je ne suis pas ben ben fier de vous autres» a-t-il dit, avec raison.

Nantel est un bon maître de cérémonie, généreux, ses textes sont intelligents sans sacrifier à l'humour.  Il aurait cependant avantage à s'entourer d'humoristes qui lui ressemblent sur son gala, ne serait-ce que pour faire plaisir à son public qui l'aime pour ce style. À moins qu'il ne fasse vraiment cavalier seul dans son genre, ce qui explique la présence d'humoristes qui n'ont pas tout à fait rapport dans son «Bilan Nantel». De tous les invités de la soirée, seul Boucar Diouf aura reçu une ovation vraiment sentie, et cela pour un numéro plus poétique que comique sur la langue «comestible», une longue tirade littéraire et culinaire bien écrite.

La légèreté, sinon la vacuité, de certains invités, détonnait en comparaison de la consistance des textes de l'animateur. François Massicotte a jeté un regard très ordinaire sur les nouvelles sportives des derniers mois, tandis que Jean-Michel Anctil a présenté son numéro, vraiment faible, inspirée de sa visite chez la massothérapeute. Réal Béland et les Denis Drolet ont apporté leur touche d'absurde habituel, sans être particulièrement marquants. La visite surprise de Mike Ward en aura étonné plusieurs, avec un monologue sur le viagra, dans le ton cru qu'on lui connaît - et que connaît peut-être moins le public de Nantel. Du côté variété (il y en a toujours dans les galas), la présence de l'hypnotiseur Messmer a une fois de plus provoqué l'incrédulité. Il a réussi à manipuler un spectateur jusqu'à se qu'il se prenne pour Pauline Marois. On n'arrive toujours pas à y croire car si cela est vrai, c'est juste terrifiant!

Seuls Laurent Paquin et Eddy King semblaient dans le ton. Paquin, avec sa critique pertinente de l'information en continue. «Pour la météo, c'est vraiment nécessaire de me dire le temps qu'il a fait  AUJOURD'HUI? Mon grand-père est plus précis avec son genou qui lui fait mal!». Enfin King, dans son analyse du profilage racial dont il a déjà été victime. Sa chanson de secours pour amadouer les policiers lorsqu'il se fait arrêter en écoutant du rap au volant de sa voiture «trop belle pour sa couleur de peau», c'est Dégénération de Mes Aïeux... Quand toute l'assistance a entonné avec lui en coeur le refrain, c'était CQFD.

Le plus révélateur dans le gala de Nantel, ce sont ses vox-pop de culture général improvisés et enregistrés dans la rue. Il est allé cette fois interroger les étudiants de cégeps et d'universités qui lui reprochaient de rire des gens moins éduqués. Le résultat est consternant. Les répondants n'arrivent pas à situer où se déroulaient les Jeux de Vancouver (variante de la couleur du cheval blanc de Napoléon), ne savent pas si Québec est la capitale de la province, ni qui de Jean Charest ou Pauline Marois est le chef du Parti libéral ou du Parti québécois. À la question «Dans quel pays le Canada est-il en guerre?», un jeune homme répond: «L'islam».

Dans ces circonstances, on comprend mieux pourquoi Nantel est si seul à faire de l'humour à contenu!