Claude Meunier n'en revient toujours pas du succès qu'il a connu dans sa carrière. À une époque où le métier d'humoriste n'était pas particulièrement valorisé, on lui disait que son style était tellement marginal qu'il serait confiné à un public restreint. Or, il est devenu l'un des monstres incontournables du rire au Québec, à qui Juste pour rire rendra hommage lundi. «Ça m'étonne encore: j'ai eu une carrière. J'ai eu de la chance.»

Issu d'une famille où l'on riait tout le temps et où il allait trouver la mine de son inspiration pour les années à venir, Claude Meunier soutient qu'il s'est tourné très jeune vers l'humour parce qu'il était asocial. «J'étais réservé, pour ne pas dire sauvage, se souvient-il. J'avais beaucoup de misère avec les conventions, à rentrer dans le moule. L'humour a été une façon de traverser l'adolescence. Je n'étais pas le teenager parfait pantoute, j'en arrachais!»

Cette difficulté à établir des liens avec les autres, et que le rire allait combler, est à la base de son talent d'écriture. Les problèmes de communication, c'est un peu son obsession et dieu sait que c'est le principal problème de ses personnages, des Voisins à la famille Paré. Ayant tâté plusieurs formes d'écriture - pour la scène, le théâtre, le cinéma, la publicité et la télé - il se considère avant tout comme un dialoguiste. «Quand j'écris, j'entends», dit-il.

«L'inspiration première de toutes mes affaires, ça a été un sketch, Le party plate qui est devenu Les voisins. C'est à peu près le premier texte que j'ai écrit dans ma vie. Je m'inspirais des gens de ma famille. Bernard ou Ti-Mé, c'est mon père, qui était un homme qui avait du recul. Il comprenait. Et il y a un personnage féminin qui a traversé tout ce que j'ai écrit, c'est une de mes tantes que j'aimais beaucoup quand j'étais petit. Elle était très fragile, souvent malade, un peu dépressive, et en même temps drôle, un peu space. C'est Laurette dans Les voisins, Thérèse dans La petite vie, elle revient aussi dans mon film Le grand départ.  Ce sont les personnages les plus proches de moi. Je suis moi-même un mélange de Réjean, Thérèse et Ti-Mé...»

Ce mélange d'absurde et de tragique fait la force de ses personnages, qui n'ont pas été compris dès le début - encore un problème de communication. On y voyait que du «creux», alors que c'était justement le sujet. «C'est un texte très dur, très cynique, très adolescent quelque part. J'étais sans pitié. "Vous êtes une gang de gens vides", voilà ce que je disais.. Alors que La petite vie, c'est très optimiste, il y a un amour de la vie.»

La bande à Meunier


Chaque époque de sa carrière contient les germes de ce qui est à venir. Les Frères Brother menant à Paul et Paul, puis à Ding et Dong; dans ce laboratoire déjanté, il y a les ébauches des Voisins et de La petite vie. Mais surtout, il y a les partenaires sans qui Meunier estime qu'il n'aurait pas connu la carrière que l'on célèbre aujourd'hui. Ils se sont rencontrés sur le plateau de l'émission jeunesse La Fricassée dans les années 70, et ont «monté ensemble», comme il le dit. «J'ai toujours travaillé en équipe, j'ai besoin du monde, même dans l'écriture. Quand je suis tout seul, je m'emmerde, j'ai besoin d'avoir du feed-back. Josée Fortier a été mon bras droit. Le plus important dans l'écriture, ça a été Louis Saia, c'est avec lui que j'ai écrit tout mon théâtre. Et sans Jean Duceppe, qui nous a accueillis, nous n'aurions pas pu monter les pièces. Marc Messier, c'est lui qui m'a conseillé d'écrire Les voisins, Le grand départ. Diane Lavallée, c'est ma muse. Et Serge Thériault est en grande partie la raison de mon succès dans la vie en général. Qui aurait pu faire Moman? Ensemble, on est comme un positif et un négatif.»

L'énorme popularité de La petite vie est une sorte d'apothéose de cette bande-là. «On n'en revenait pas de l'amour du monde pour cette série, raconte-t-il. J'ai même reçu une lettre de remerciement du ministre de la Santé parce qu'il y avait moins de gens dans les hôpitaux le lundi!» Pour lui, cela s'explique par un alignement parfait des planètes. «C'était la bonne gang, au bon moment: les comédiens, le jeu, la réalisation, la production, tout le monde a travaillé dans le même sens et le public était prêt à recevoir ça. C'est un trip fabuleux de connaître un tel succès. Les conséquences sont par contre épouvantables, c'est un peu trop parfait, on espère toujours la même chose de moi. Mais ça va toujours me rendre heureux d'avoir connu ça. C'est le grand bonheur de ma vie.»



Gala hommage à Claude Meunier, animé par Stéphan Bureau, au Théâtre Saint-Denis, le 19 juillet, 10 h.