Avec le Cirque des mirages, Parker et Yanowski ont créé un drôle de cabaret. Le premier joue du piano. Le second chante et gesticule. Ensemble, ils interprètent des chansons étranges qui parlent de monstres, de fantômes et de scientifiques fous. Bête de cirque à sa façon (il mesure près de sept pieds!), le géant Yanowski répond à nos questions...

Q : Dites, Yanowski, le Cirque des mirages, c'est un spectacle rétro?

R : Pas vraiment. Nous ne faisons pas une caricature de cabaret des années 30. C'est plutôt une continuité. C'est vrai que c'est une forme un peu oubliée. Le music-hall a été dévoré par le rock et la pop, la tradition licencieuse du cabaret est passée à la trappe. Mais on se veut résolument modernes malgré ce côté suranné... Parce que le suranné nous permet de garder une distance et une ironie par rapport à notre époque. Et de mieux faire passer la pilule en disant des choses un peu brusques.

Q : Qu'est-ce qui vous a attiré au départ pour cette forme en particulier?

R : Une grande affection pour une certaine littérature: les auteurs russes, le fantastique français, Edgar Allan Poe. Ce sont des univers riches de mots et d'allégories. Sauf qu'au départ, on ne voulait pas nécessairement le faire dans le mode cabaret surréaliste. C'est le cabaret qui nous a possédés. En tant que personne d'origine méditerranéenne, plutôt solaire, je suis moi-même surpris d'être tombé dans les vapeurs d'opium du début XXe siècle!

Q : Votre univers est pour le moins différent. Comment vous voyez-vous dans le paysage de la chanson française actuelle?

R : Particulièrement en marge. Nous sommes loin de la nouvelle chanson française, qui se veut moderne mais ne dit pas grand-chose finalement. Elle reste en surface. Alors que nous n'avons pas peur de parler de choses plus profondes. La mort, par exemple. Ce n'est pas un sujet qui est très à la mode aujourd'hui!

Q : Durer 10 ans, quand on est aussi anticonformiste, ça vous a surpris?

R : Pas vraiment. Parce que nous mettons de l'avant des formes et une imagerie intemporelles. Nous avons eu une bonne couverture médiatique au niveau écrit. Nos spectacles affichent complet à Paris. Par contre c'est difficile de passer à la télé. Je crois qu'il y a une certaine peur.

Q : Vous parlez de peur. Est-ce l'émotion que vous souhaitez provoquer chez le spectateur?

R Nous voulons provoquer quelque chose d'alchimique, pour parvenir à une vision totale du réel. Et pour cela, oui, il faut parfois oser regarder ce qui nous fait peur. Moi, je veux que les gens aillent au fond d'eux-mêmes. Qu'ils affirment leur part d'ombre et la fassent émerger pour s'approcher de la lumière.

Q : Comment le Cirque des mirages a-t-il évolué avec le temps?

R : C'est le même univers, un peu expressionniste, surréaliste onirique, où chaque chanson est une histoire. Il se peut cependant que ce nouveau spectacle, que nous avons lancé à Avignon l'an dernier, soit politiquement plus grinçant, étant donné le climat actuel en France. Vous savez, le cabaret a toujours versé dans le politique. Jadis, c'était un lieu underground où l'on en profitait pour crier son désaccord.

Q : Que - ou qui - critiquez-vous?

R : On ne cite aucun nom! Ça reste des allégories... Ce qui nous fait peur surtout, c'est la machine écrasante de l'administration. Une machine devenue tellement broyante qu'on en oublie la destruction intellectuelle. En France, c'est particulièrement le cas. L'État policier s'est mis en place, au détriment de la culture. Il n'y a plus d'argent pour l'art. Ça n'intéresse pas l'État. On préfère produire des directeurs d'entreprises. C'est triste parce que la France a longtemps été le fleuron de la liberté intellectuelle et de la culture.

Q : Enfin, quel avenir pour le Cirque des mirages?

R : Il y a des projets symphoniques et cinématographiques. Pour notre troisième album, nous allons inviter pour chaque titre un réalisateur, qui nous fera un court métrage musical. Et puis nous avons eu des propositions d'un cabaret à New York. Ça confirme que l'Amérique a toujours apprécié le music-hall français!

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Le Cirque des mirages au Studio-Théâtre de la Place des Arts les 15, 16, 17, 19, 20 et 21 juillet.