Cheech and Chong, le plus célèbre duo de poteux du show-business américain, revient à Montréal pour la première fois en près de 40 ans. Leur rupture, qui a duré 25 ans, n'a pas été facile, mais les deux humoristes n'ont probablement jamais eu autant de plaisir qu'aujourd'hui, raconte Tommy Chong.

Tommy Chong n'hésite pas une seconde quand je lui demande s'il fume encore un joint à 72 ans ou si ça fait partie du folklore de Cheech and Chong. «Bien sûr! J'ai même une carte médicale qui me le permet. Ma maladie, c'est le stress dont je souffre à cause du harcèlement policier», dit le Canadien d'origine en éclatant de rire.

Chong avait le rire moins facile en 2003 quand il s'est retrouvé en prison pendant neuf mois. Il me raconte l'incident en n'oubliant aucun détail. Un policier fédéral a infiltré l'entreprise de son fils, Chong Glass, qui vendait des pipes à eau. Normalement, il se serait battu pour faire valoir ses droits, mais comme on menaçait de s'en prendre à son fils, il a plaidé coupable à une accusation de conspiration pour vendre par la poste américaine des articles liés à la consommation de drogue à Pittsburgh, là où cette vente est interdite. Chong affirme aujourd'hui qu'on l'a piégé et que la vente a été orchestrée par le policier en question.

«Quand j'ai accepté de plaider coupable, on m'a laissé entendre qu'il ne m'arriverait rien parce que personne n'était allé en prison pour une accusation semblable, dit-il. Mais c'était l'administration Bush et j'ai écopé de neuf mois (plus une amende salée). C'était le début de la guerre en Irak et je leur ai dit que les seules armes de destruction massive que l'administration Bush a trouvées étaient mes pipes à eau!

«Mais ce fut un bon neuf mois, j'ai beaucoup appris, ajoute Chong le plus sérieusement du monde. Et puis ça m'a beaucoup aidé. Ça m'a fait de la publicité et ça m'a donné beaucoup de crédibilité: tout le monde, républicains comme démocrates, a bien vu que c'était un simulacre de justice et que Bush et sa bande étaient vraiment allés trop loin.»

On croirait une scène tirée du film Up In Smoke: 30 Years Later que Cheech and Chong s'apprêtent à tourner. C'est pourtant trop vrai. Chong insiste: «Dans l'acte d'accusation, il était écrit que je devais aller en prison parce que je m'étais moqué des forces de l'ordre et que j'avais fait des millions en glorifiant les drogues!»

Une rupture douloureuse

C'est d'ailleurs pour se défaire de cette image de poteux que Cheech Marin a décidé de faire cavalier seul au milieu des années 80. Le duo était alors au faîte de sa gloire avec Born In East L.A., son adaptation de Born In the U.S.A. de Bruce Springsteen inspirée par la situation des travailleurs illégaux mexicains.

«Cheech a insisté pendant six mois et il a finalement obtenu l'autorisation de Bruce, se souvient Chong. Bruce a aimé notre adaptation ; il nous a même raconté que quand il chantait Born in the U.S.A. en spectacle, son public répondait Born in East L.A.! Cette chanson avait un sens: le problème de l'immigration illégale est plus que jamais d'actualité.»

Pendant ces 25 ans, Chong a décroché un rôle fait sur mesure dans la série télé That 70's Show mais, de son propre aveu, il en a plus arraché que Cheech. «Il m'a manqué davantage parce qu'il a travaillé à la télé avec des gens comme Don Johnson (Nash Bridges). La renommée de notre duo pesait tellement lourd que c'était difficile de se retrouver seul. Des gens comme l'acteur Jon Voight ont essayé de nous réunir mais il y avait toujours l'un de nous deux qui n'était pas prêt. Quand nous nous sommes finalement retrouvés, nous avions changé. Au début du duo, nous devions faire de la musique et nous avons fini par faire de la comédie. Alors que depuis nos retrouvailles, nous faisons de plus en plus de musique.»

Si l'on en juge par les titres de leurs deux plus récentes tournées (Cheech and Chong Light Up America et Get It Legal), Cheech and Chong n'ont pas renié leur image de marque. Pour leur retour à Montréal -»la dernière fois, ça devait être autour de 1974», estime Chong - ils animeront un gala au cours duquel ils entraîneront leurs fans sur un terrain familier: «On va probablement faire Born in East L.A., Mexican Americans et notre numéro de chiens. Mais c'est un festival de stand-up comics et on va être très heureux de jouer les maîtres de cérémonie.»