Objet insolite posant le pied hors des territoires de la représentation, Fluid Grounds de Benoît Lachambre se construit dans la durée, le mouvement et la relation avec la matière et l'espace. Au coeur du projet: la manipulation de rubans adhésifs de 10 couleurs, qui seront posés sur différentes surfaces, retirés, réutilisés et transformés dans une installation mouvante s'étalant sur trois jours, à raison de huit heures par jour.

Un marathon coloré et en incessante mutation porté par cinq interprètes (Sophie Corriveau, Marcio Canabarro, Anouk Thériault, Nancy Tobin et Benoît Lachambre lui-même) et auquel les spectateurs sont invités à venir assister, pour quelques instants ou quelques heures, une ou plusieurs fois, à leur guise.

«Les gens peuvent venir quand ils veulent, comme ils veulent, c'est complètement ouvert. On va même leur demander de prendre des photos, car le regard photographique est particulier par rapport à cette création.»

La recherche somatique à partir de l'intérieur et autour de l'espace occupé par le corps, et de la façon dont le mouvement se transmue au-delà des frontières physiques - par la résonance, l'utilisation de la voix, la perception des espaces internes, la mise en relation - est au coeur du travail du créateur. Dans Fluid Grounds, l'apport de rubans adhésifs de couleur lui permet de continuer l'exploration de ces territoires dans un autre environnement.

«Il y a plusieurs qualités dans les rubans adhésifs ; d'abord, c'est une matière élastique, un peu comme la peau, ce qui nous permet de travailler avec le ressenti de la matière, les sens, l'élasticité du corps. Et puis, dans l'action de tracer des lignes ou des courbes avec le ruban, il y a du relationnel. Et les traces que le ruban laisse, même une fois enlevé, deviennent une cartographie de la relation», illustre l'artiste au regard perçant.

L'espace, d'abord rempli d'arcs-en-ciel, muera lentement, au fil de manipulations très physiques et s'inscrivant dans la durée, sur une structure composée d'un plancher et de murs, installée à même le vaste espace de l'Atrium des Grands Ballets.

«Les quatre premières heures, tout est rempli d'arcs-en-ciel. À partir de là, l'espace se met à bouger beaucoup, la matière se transforme constamment. On enlève tout, mais le défaire fait partie du faire. On introduit différentes actions de performance: par exemple, on vient créer des boules très serrées avec les rubans, un petit peu comme si on venait récupérer l'histoire et la concentrer, comme l'ADN, en quelque sorte.»

Avec cette nouvelle création, Benoît Lachambre continue également sa quête hors des terrains foulés de la représentation, lui qui invitait les spectateurs à poser leurs mains sur des parties de son corps afin de susciter le mouvement dans Lifeguard, présenté au FTA l'an dernier.

«Je questionne vraiment la représentation. Je suis beaucoup plus intéressé par le lien, les différentes qualités d'être, de coexistence, l'intimité. Dans Lifeguard, je travaillais beaucoup sur les espaces entre les gens, le relationnel. Fluid Grounds est une continuité de ce travail-là, mais de façon beaucoup moins directive. Ce n'est pas spectaculaire dans la forme ou dans l'exécution d'un "spectacle". On vient plutôt créer un lieu, une façon d'interagir et c'est nécessaire de le faire pendant longtemps pour être dans le "vivre", dans l'être», conclut-il.

______________________________________________________________________________

Dans l'Atrium des Grands Ballets à partir de demain, 1er juin, jusqu'au 3 juin, dans le cadre du FTA. Entrée libre.