Pourama pourama: à corps ouvert

Dans un très beau spectacle de plus de quatre heures intitulé Pourama pourama, Gurshad Shaheman nous invite dans sa vie, son histoire, celle de ses parents et de son pays d'origine, l'Iran. À corps ouvert sur le fleuve intranquille de sa vie.

Autofiction. C'est ce à quoi on pense en assistant aux trois spectacles - Touch Me, Taste Me, Trade Me - en un de l'auteur-acteur français d'origine iranienne Gurshad Shaheman. Biographique ou non, l'écriture limpide, belle, métaphorique et parfois crue nous donne accès à un artiste qui se livre à coeur et corps ouverts.

«C'est ma vie et ce n'est pas ma vie. Tout est passé dans la moulinette de l'écriture. Par le truchement de la littérature, les choses sont transfigurées. Je me sers du matériau de ma vie pour l'amener ailleurs. Ce n'est ni une biographie ni un aveu», nous a-t-il expliqué avant le spectacle.

La première partie traite de la petite enfance et de la relation avec le père. La deuxième parle de la relation avec la mère à l'adolescence, et la troisième est celle du début de l'âge adulte.

«Ça traite du moment où l'on s'émancipe de l'influence des deux parents. Il y a aussi un aller-retour avec l'histoire. Enfant, j'ai connu la guerre Iran-Irak. Avec ma mère, je reviens sur les événements de la révolution iranienne et le choc des codes lors de mon arrivée en France. La troisième partie porte sur les histoires d'amour et, à travers la figure des différents amants, je récupère le politique et septembre 2001.»

Rencontre

Pourama pourama, c'est surtout une rencontre du troisième type avec un homme qui a souffert d'un père froid et autoritaire et qui a demandé, jusqu'à ce jour, qu'on le touche au figuré et au propre. Les spectateurs se prêtent au jeu facilement. Émus, pour la plupart.

«Tout est fait pour que l'auditoire se sente à l'aise. Il n'y a pas d'inconfort posé par l'intimité du récit. Je respecte la pudeur de mon auditoire.»

Après le premier de deux entractes, Gurshad Shaheman, portant robe noire et talons hauts, nous invite à la cuisine pour nous parler de sa mère. Avec quelques assistantes, il nous sert un plat traditionnel iranien avec riz, salade et vin. C'est la fête! Et ce, même si hurlent dehors guerre et ayatollahs.

Intimité

Si la voix de l'acteur est enregistrée dans les deux premières parties, il nous raconte ensuite sa jeune vie adulte en direct. Laissant entrer quelques spectateurs un par un dans sa chambre, il traite de ses amours, des plus romantiques aux plus «tarifés». Il est à Paris et se prostitue pour survivre. D'interdit au début, son corps est devenu public.

La force de ce spectacle est de ne jamais verser dans l'apitoiement. Le récit est autant un voyage intime douloureux qu'une extraordinaire aventure de migrant. Un passage à l'âge adulte tumultueux, mais aussi le processus détaillé de l'éclosion d'un papillon multicolore.

«Je ne me substitue pas à l'émotion de l'auditoire. Je laisse chacun tirer les conclusions qui s'imposent à lui. J'ai mis très longtemps à conquérir ma propre liberté et ce n'est pas pour l'imposer aux autres. Chacun est libre. Je partage un point de vue, certes, mais je ne l'impose pas.»

Homme à tout faire

Spectacle engagé dans le sens où l'artiste nous émeut avec une histoire vraisemblable sans quatrième mur. Gurshad Shaheman est cet homme à tout faire qui reste au milieu des spectateurs. L'échange peut commencer.

«C'est politique, mais pas dans le sens entendu. Je ne revendique rien d'autre que ma place. En ça, c'est politique.»

Au centre de tout, l'expérience du corps. Comment on vit, comment on expose, et ce qu'on fait avec le corps, notamment, dans l'espace public.

«Ça arrive souvent que les gens, à la fin du spectacle, me parlent d'eux, de choses similaires qu'ils ont traversées dans leur vie, de leur relation à leur corps, c'est assez touchant en général. Comme c'est assez dense, les gens ne retiennent pas les mêmes choses, tout dépendant de leur sensibilité.»

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La pièce Pourama pourama est présentée au Centre du Théâtre d'Aujourd'hui ce soir et demain.