Une actrice en robe à crinoline arrive dans la pénombre, au milieu d'un décor qui ressemble à un chantier de construction. Elle récite un extrait d'une pièce où il est question de la reine des Amazones, probablement Penthésilée de Kleist. Mais sa voix est étouffée et sa diction est lente, hachurée, difficilement compréhensible.

Le metteur en scène François Tanguy dit ne pas utiliser de textes dans ses créations, mais plutôt «des vocables qui passent à travers des corps en mouvement pour se retirer à temps de l'emprise de l'interprétation et rester au seuil».

Passim est un adverbe d'origine latine qui signifie en de multiples endroits, çà et là, partout. Passim est aussi le titre de la déroutante pièce de François Tanguy à l'affiche du Festival TransAmériques. 

Durant près de deux heures, le spectateur est plongé dans un songe. Il assiste à une suite de scènes fugaces puisées dans la dramaturgie intime de Tanguy (Molière, Cervantès, Shakespeare). Et aussi à des tableaux plus frivoles, dans lesquels des personnages affublés de costumes d'époque, de perruques et d'accessoires anciens s'amusent à déconstruire la scénographie. Mais surtout le sens de la proposition.

Accepter de ne pas comprendre

Pour accéder à Passim, il faut accepter son absence de structure et de récit. Il faut accepter de ne pas tout comprendre ce que l'on voit sur scène. Comme dans un rêve, les images et les émotions disparaissent aussi vite qu'elles apparaissent dans le clair-obscur du plateau. Les interprètent montent sur des tables, se jettent dans le vide, se bousculent, transportent des éléments du décor.

Dans un va-et-vient constant, une parade de personnages défile, ce qui donne à voir des numéros d'acteurs aussi époustouflants que déstabilisants.

Toutefois, si, au début, on se laisse emporter par ce théâtre onirique et son éclectique trame musicale, la proposition lasse peu à peu, et le charme n'opère plus. Des spectateurs ont d'ailleurs quitté la salle au milieu de la représentation, le soir de la première, mercredi.

Car le rêve de Passim peut tourner au cauchemar du public. À force d'énigmes et de déconstructions dramatiques, François Tanguy ne donne aucune clé pour pénétrer dans son délire poétique. À force de vouloir être partout, Passim finit par être nulle part. Dommage.

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Passim. De François Tanguy. Produit par le Théâtre du Radeau (France). À l'Espace Go jusqu'au 31 mai, dans le cadre du Festival TransAmériques.