C'est la pièce-marathon du Festival TransAmériques cette année. Une trilogie de sept heures sur l'histoire du Canada français créée par les têtes pensantes du Nouveau Théâtre expérimental (NTE), Alexis Martin et Daniel Brière, avec leur grain de folie habituelle. Notre journaliste Jean Siag a visité les coulisses de cette saga historique défendue par une dizaine de comédiens.

Retour à la terre !

Les pièces-marathon programmées par le FTA ont toujours été des expériences marquantes pour les spectateurs.

On n'a qu'à penser à Wajdi Mouawad, qui avait présenté en 2010 sa trilogie du Sang des promesses pendant 12 heures ! Ou encore aux six heures de Tragédies romaines du metteur en scène néerlandais Ivo van Hove. C'est au tour du NTE de se prêter au jeu avec ses trois pièces totalisant sept heures de théâtre.

« C'est un projet démesuré, admet l'auteur et comédien Alexis Martin. Il y a tellement peu de matière historique dans la dramaturgie québécoise, se désole-t-il. Comment se fait-il qu'on a si peu illustré notre histoire sur nos scènes ? Un écolier anglais peut apprendre l'histoire de l'Angleterre en lisant Shakespeare. Pas nous. C'est dans cette optique que le NTE a voulu faire un essai de théâtre historique. »

Les deux premiers volets de cette trilogie historique écrite par Alexis Martin ont été présentés successivement à l'Espace libre aux printemps 2012 et 2013.

Invention du chauffage central en Nouvelle-France y explorait d'abord notre rapport au froid ou comment le climat a façonné le Québec d'aujourd'hui. On y retrouvait des personnages historiques tels Samuel de Champlain, Louis-Joseph Papineau ou le curé Labelle, mais aussi des personnages contemporains comme les frères Dubois.

Aux récits documentés qui mettent en scène ces personnages historiques tels que nous les connaissons, Alexis Martin a choisi de superposer des personnages complètement fictifs, comme les membres de cette entreprise familiale de fournaises au mazout au bord de la faillite.

Le deuxième volet, baptisé Les chemins qui marchent, abordait notre histoire sous l'angle de nos cours d'eau.

Construite à la manière d'une comédie musicale, la pièce réunissait de nouveau sur scène Champlain, mais aussi Louis Jolliet, le père Marquette, Frontenac et son intendant. Une vingtaine de chansons y étaient interprétées, incluant des chants autochtones.

Le pain et le vin

Le troisième volet, baptisé Le pain et le vin (créé ce printemps), a pris la forme d'une conférence ludique donnée par le personnage d'Alexis Martin. « C'est lui le lien entre chaque scène, précise Daniel Brière. Contrairement aux deux premiers volets, où l'on sautait d'une époque à l'autre, le récit respecte cette fois la chronologie des événements. »

« Mon personnage donne une conférence sur l'histoire de l'alimentation au Canada français, détaille Alexis Martin. Ça commence à l'hiver 1608 par la maladie. C'est quand même extraordinaire que notre histoire nationale commence par une épidémie de scorbut, qui a failli tuer tout le monde ! »

Qu'est-ce qu'on apprend de cette histoire alimentaire ? « J'ai appris qu'on n'avait pas affaire à une bande de colons faméliques, répond Alexis Martin. Le paysan français d'ici était beaucoup mieux nourri que son cousin parisien, pour la simple raison que les Amérindiens ont montré aux colons à chasser et à pêcher, tandis qu'en France ces activités étaient réservées aux nobles. »

« Avec la Conquête anglaise, résume l'auteur, le régime alimentaire change. Les Anglais vont imposer les produits de leur commerce. Le cheddar, le thé, la culture de la pomme de terre et l'élevage du cochon. »

Le dispositif scénique est le même pour les trois pièces. Les gradins ont été placés de part et d'autre de la scène, offrant au spectateur une perspective bifrontale. Les coulisses se trouvent donc sous la scène. Des trappes dissimulées dans le plancher permettent aussi de faire apparaître des éléments de décor.

Les 10 comédiens interpréteront les quelque 80 personnages de chacun des trois volets, un exploit en soi.

Daniel Brière, metteur en scène et

Alexis Martin, auteur et comédien,

L'histoire révélée du Canada français, 1608-1998, à Espace libre, les 23, 24, 25, 30, 31 mai et le 1er juin.