Nicolas Cantin aime le flou qui entoure ses projets. Mygale s'inscrit dans la continuité de ses deux précédents spectacles: Grand singe (2009) et Belles manières (2011). Trois explorations de l'intime qui contiennent de grands espaces vides. Pas question d'accoler d'étiquette à cette partition à quatre que son auteur refuse de définir.

Nicolas Cantin est un peu à l'image de ses projets: difficile à cerner. Ce comédien de formation travaille avec des acteurs, des danseurs et même des artistes de cirque. C'est lui qui a mis en scène Patinoire, de Patrick Léonard. On l'a aussi vu dans Tout se pète la gueule, chérie, de Frédérick Gravel. Son univers est aussi insolite qu'inclassable.

«Je ne sais pas précisément de quoi parlent mes shows, et je ne veux pas le savoir, commence-t-il par dire. Ça part d'impressions que j'écris dans un journal, de collages qui ne vont pas dans le même sens, mais qui, petit à petit, me procurent la matière d'un spectacle. J'ai quand même le sentiment de creuser une question, celle de l'intimité. J'essaie de tisser une toile la plus ouverte possible, pour qu'on puisse y voir le plus de choses possible.»

Mygale découle d'une phrase lue il y a quelques années dans le journal Le Monde. Une courte phrase qui le taraude depuis longtemps: «Quand je ne tue pas, je me sens seul.» À interpréter au sens propre comme au figuré. «Qu'est-ce qui nous pousse à faire du mal?», demande Nicolas Cantin. C'est à cette question qu'il tente de répondre dans un spectacle ovni, ni tout à fait danse ni tout à fait théâtre.

«Cette phrase me fascine. Il y a dedans beaucoup de violence et de solitude. C'est pour moi le symbole de la pièce. La mygale est-elle intrinsèquement dangereuse? Qu'est-ce qui se cache derrière les apparences? Comment se fait-il que des pulsions amoureuses se transforment en pulsions violentes? Comment en arrive-t-on à tuer l'autre? Ce sont des questions qui m'intéressent. Et qui découlent, d'après moi, d'un manque d'amour et d'une incapacité à aller vers l'autre.»

Nicolas Cantin refuse de rentrer dans le cadre de la représentation. «J'aime l'idée que le spectateur soit en face de quelque chose de déroutant, dit-il. Je me moque un peu des conventions de théâtre. J'aime désinstaller les choses.»

Influencé par des cinéastes comme Carlos Reygadas et Bruno Dumont, qu'il qualifie de résistants, Nicolas Cantin veut forcer le spectateur à être actif. Et pas question de viser la perfection. «Il faut accepter les faiblesses d'un show. Je suis peut-être un peu fou, mais j'aime ce qui est imparfait. Je suis tanné des gens qui disent: enfin un show accessible. Tous les enfants ne sont pas accessibles. Moi, je préfère l'enfant qui n'est pas facile à aimer, je suis sûr qu'il a beaucoup de choses à nous dire.»

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Mygale, du 5 au 9 juin au Théâtre La Chapelle.