La pièce du dramaturge italien Romeo Castelluci n'aura finalement pas causé de scandale comme ce fut le cas à Paris l'automne dernier.

Seuls deux manifestants arpentaient l'entrée de la Place des Arts avec une pancarte sur laquelle on pouvait lire: «Un peu de respect pour Jésus. Honte à la PdA!». Ils ont même été apostrophés par le père Raymond Gravel, qui les a invités à voir la pièce avant de la critiquer. Après quoi, ils ont été engloutis par une vague de carrés rouges...

Point de scandale, donc, mais sûrement un malaise. Car cette pièce, à la fois hyperréaliste et méditative, dérange et provoque. Les images qui nous restent sont dures et crues. Je ne sais pas jusqu'à quel point elles peuvent nourrir une réflexion sur la foi chrétienne ou sur la vie quand on est vieux et malade, mais on ne peut pas dire que c'est très gai.

Sur le concept du visage du fils de Dieu fait le récit d'un homme qui prend soin de son père incontinent. La première scène sera à l'image de presque toute la pièce. Le vieil homme écoute la télé tranquillement, assis sur le canapé blanc d'une pièce toute blanche, jusqu'à ce qu'il s'échappe. Et que le contenu de sa couche se répande un peu partout autour de lui. Humilié et sanglotant, la tête baissée, on ressent toute la douleur du père et tout l'amour du fils, qui s'occupe de lui, le réconforte, l'éponge, sans jamais s'impatienter.

Une demi-heure plus tard, après avoir minutieusement nettoyé la pièce, c'est reparti! Re-débordement de la couche, re-étalage de matière fécale liquide, re-sanglots, re-changement de couche, re-nettoyage. Et hop! Un troisième dégât! C'est là qu'il se tourne vers l'immense visage du Christ qui nous fixe depuis le début de la représentation, magnifique reproduction d'une toile de la Renaissance peinte par Antonello da Messina. À quoi pense-t-il? Qu'espère-t-il?

La scène controversée survient dix minutes avant la fin de la pièce. De jeunes enfants, une douzaine d'entre eux, débarquent sur scène, sortent des grenades de leurs sacs à dos, retirent les goupilles et les lancent sur le portrait de Jésus dans un bruit assourdissant d'explosions. Personnellement, c'est ce qui m'apparaît le plus choquant, qu'on mêle des enfants à ça. Beaucoup plus que le geste. Je ne révélerai pas la finale, mais je peux vous dire que les souillures du père recouvrent le visage du Christ. À la fin, on se dit que oui, parfois, la vie, c'est d'la marde. Mais je ne suis pas sûr que ce soit de SA faute.

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Jusqu'à dimanche au Théâtre Jean-Duceppe.