La nouvelle création de Marie Brassard poursuit une démarche multidisciplinaire déjà marquée par l'onirisme et l'enfance.

Micro au poing et air gamin -elle arbore deux couettes de petite fille-, l'artiste revisite les méandres d'une enfance rêveuse et d'une jeunesse nourrie aux décibels et aux substances psychotropes dans une autofiction où elle lève le voile sur la part la plus intime de son être: son imaginaire.

Moi qui me parle à moi-même dans le futur tient autant du poème immersif que de la séance d'hypnose psychédélique où les mots, les images et les sons se répondent. Marie Brassard (texte et mise en scène) prend place au centre de l'espace scénique, entre les musiciens Alexandre St-Onge et Jonathan Parant, et devant un écran sur lequel sont projetées des images abstraites de Karl Lemieux et Philippe Tremblay-Berberi, manipulées, tout comme les éclairages, par Mikko Hynninen.

Point de départ: Trois-Rivières, la ville natale, lieu d'excitation (nuits passées à danser les oreilles trop proches des haut-parleurs) et de contemplation, premier tremplin vers l'imaginaire. L'artiste revisite souvenirs et chimères, ouvre lentement la porte d'un monde où le temps peut se distendre. Sa voix, ponctuellement trafiquée, prend appui sur des musiques enveloppantes, parfois oppressantes, qui font écho aux épisodes de ce rêve éveillé attachés selon une logique qui relève plus de l'association d'idées que de la trame narrative à proprement parler.

L'esprit s'accroche tantôt aux mots, tantôt aux images ou aux sons, vogue et divague parfois. Le plus touchant dans cette oeuvre qu'on reçoit presque davantage avec le corps qu'avec l'intellect, c'est qu'elle rappelle de manière sensible et avec beaucoup de poésie l'importance fondamentale de l'imaginaire dans notre identité.

Plus que la somme de nos souvenirs et de nos expériences, nous sommes le produit des images et intuitions que nous conservons secrètement en nous. Ainsi, c'est son moi intime que révèle Marie Brassard. Un univers auquel on donne un sens en lui accolant nos propres images intimes. C'est le paradoxe de cette rencontre à la fois déroutante et enivrante d'une rare intimité.

Moi qui me parle à moi-même dans le futur est présenté jusqu'à lundi à l'Usine C.