Depuis ses débuts discographiques il y a 16 ans, Camille Dalmais est demeurée l'une des chanteuses les plus libres et les plus innovantes de l'espace francophone.

Connue sous ce prénom devenu le mononyme de son personnage public, l'auteure-compositrice-interprète est de retour aux Francos, où elle s'apprête à faire une démonstration de sa singularité avec la transcription sur scène de l'album Ouï, son plus récent.

Sur cet album paru l'an dernier sous étiquette Because Music, Camille propose un mélange différent de chansons nouvelles, puisant dans les musiques contemporaines, électroniques, mais aussi dans un corpus de chants très anciens. L'album a été enregistré dans la salle capitulaire de la chartreuse Notre-Dame-du-Val-de-Bénédiction, à Villeneuve-lès-Avignon, et aussi dans une chapelle plantée dans le département Tarn-et-Garonne.

Fait à noter, le la y est accordé à 432 Hz au lieu de 440 Hz comme l'exigent les normes internationales. Ce choix de fréquence serait en plus grande harmonie avec la nature et l'univers, croient ses défenseurs.

Jointe à Paris, Camille est appelée à compléter ces explications.

«Cet enregistrement faisait suite à un passage acoustique, très proche de la musique jouée sur scène. Ouï fut un laboratoire: nous n'étions que deux musiciens, la musique était le résultat d'empilements. Clément Ducol y a fait les claviers, la basse électronique et les percussions, alors que j'ai fait toutes les voix.»

Matthew Ker, Pascal Comelade, Yannick Boudruche et Indi Kaur ont participé aux musiques originales, composées pour la plupart par la soliste.

«On ne s'est pas assis ensemble pour créer, précise-t-elle. J'ai plutôt fait mon abeille. Par exemple, j'ai entendu Yannick murmurer une chanson, c'était trop beau ! Je lui ai dit que j'écrirais un texte par-dessus et que j'en ferais quelque chose de plus rythmique; ça a donné Fontaine de lait. Avec Matthew Ker, j'ai beaucoup travaillé les rythmes impairs, ce qui a mené à la création de Lasso et Fille à papa. Pour cette dernière, d'ailleurs, j'ai adapté la mélodie d'un raga que chante Indie Kaur, Anglaise d'origine indienne.»

Quant à l'usage de la musique électronique dans Ouï, il n'a rien d'artificiel, souligne Camille.

«C'est très analogique; c'est ce qui me correspond. J'aime imiter la musique électronique avec les voix et des sons acoustiques. J'aime m'en inspirer, y chercher quelque chose d'organique.»

Libération par la transe

Elle s'est aussi inspirée de chansons très anciennes et de danses traditionnelles dites de transe.

«J'adore chanter, j'adore danser, j'adore quand les deux se mélangent. J'ai pratiqué les danses latines et aussi les danses africaines qui poussent vers la transe, c'est-à-dire qu'elles nous font atteindre un point où l'énergie se libère, où le corps parle de lui-même. Cela m'a ensuite menée vers les danses de transe européenne, parce que ce sont mes racines.»

Pour Camille, la réintroduction des musiques dites de transe et des chants anciens est essentielle à notre bien-être psychologique dans le contexte actuel.

«Ces danses de transe peuvent être pratiquées aujourd'hui avec une autre fonction, car les gens ont grandement besoin de lâcher leur mental, de se tenir les mains, de se libérer. Si on y est ouvert, on y a accès, car c'est en nous, parce que c'est nécessaire à l'humanité, parce que c'est très beau. Pour moi, c'est devenu à la fois une évocation poétique et une sorte de manifeste.»

La maternité de Camille (deux enfants, un garçon et une fille) ne serait pas étrangère aux qualités organiques de son album, dont la matière sera défendue sur scène par sept personnes, incluant trois choristes.

«Ce disque en est imprégné. Quand on devient maman, le langage devient moins analytique; on redécouvre la beauté originelle des mots les plus simples, le langage rayonne par le son. Ainsi, un mot qu'on répète peut devenir un petit bijou de lumière. C'est pourquoi cet album est moins littéraire, moins narratif, mais enrichi par l'expérience de la maternité.»

On a ouï-dire que ce spectacle sera digne d'intérêt...

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Au Théâtre Maisonneuve le 13 juin, 20 h. Première partie: Pomme.