Flora Fischbach a 25 ans, est née à Dieppe, a grandi dans les Ardennes françaises, s'est installée à Paris où elle fait bing et bang... ce qu'elle s'apprête à faire à Montréal. Chanteuse, parolière et compositrice multigenre (synth pop, cold wave, électro-pop, rock, funky, etc.), l'artiste Fishbach génère beaucoup d'intérêt au sein d'une scène émergente d'artistes dans la jeune vingtaine. Il y a fort à parier que son passage aux FrancoFolies ne passera pas inaperçu, d'où cet entretien de dernière minute avant ses prestations montréalaises.

Qu'est-ce qui vous a menée à cette carrière solo?

Pour moi, écrire des chansons était une nécessité. Dès l'âge de 17 ans, j'avais fait partie d'un duo synth punk, un peu foutraque. C'était le bordel! Puis, à 21 ans, je me suis retrouvée sans groupe... mais la musique avait révélé quelque chose de très profond en moi. Début 2013, je n'avais qu'un iPad pour écrire mes chansons, j'ai alors commencé à me créer un petit répertoire sans ambition aucune de faire ce que je fais aujourd'hui. Écrire des chansons était alors un exutoire.

Que représente pour vous une chanson, dans son processus de création?

Je me plais à dire que les chansons, ce sont des messages que l'on n'aurait jamais su envoyer dans la vraie vie. Règlements de comptes, deuils, questions existentielles, les chansons expriment quelque chose d'intime; on partage cette intimité avec les gens. Il y a donc cette étrange dualité entre la sincérité de ce qu'on veut dire et le masque qu'on se donne à travers une chanson. Il est donc plus facile de porter un masque pour dire des choses sincères.

Selon vous, quelle est alors la différence entre l'autobiographie et la chanson?

L'expression impudique de sentiments et de faits très personnels à travers une chanson est un paradoxe, car, pour l'âme et le corps de l'artiste, il devient crucial de mener cette expression à terme. Le chant et la musique, c'est viscéral! Ainsi, j'essaie de conférer à mes chansons des histoires très personnelles tout en essayant d'être évasive. Il me faut rester assez floue afin que chaque auditeur puisse se projeter dans une chanson, et se l'approprier. Au bout du compte, on vit tous plus ou moins les mêmes histoires, c'est la façon de les raconter qui fait la différence.

Avez-vous des thèmes de prédilection?

Ce n'est pas particulièrement original! Je parle beaucoup d'amour, de situations personnelles, mais aussi de la mort. J'ai beaucoup de questions spirituelles en moi, la mort fait partie de mon environnement immédiat. Ma maman est aide-soignante pour les personnes âgées dont certaines sont aux soins palliatifs. J'ai fait des ateliers de chansons dans des résidences pour personnes âgées. Et puis, j'ai un oncle croque-mort! Dans les repas de famille, la mort est un sujet courant. Comme les autres drames, la mort fait partie de la vie, c'est naturel. Le drame est selon moi nécessaire pour mieux goûter le plaisir et le bonheur, mieux apprécier et aimer. Dans cette optique, j'aime parler du drame en faisant taper du pied!

Comment vous décrivez-vous en tant que performeuse sur scène?

Ça peut passer de la pop à l'électro et ensuite au rock psychédélique. Du coup, ma voix n'est pas exactement la même d'une chanson à l'autre; vous savez, on n'a pas la même voix lorsqu'on s'adresse à son amoureux ou lorsqu'on cause à son patron ! Je peux donc camper une jeune femme, une vieille femme, une enfant, je peux être tout ça à la fois. De plus, je vois la voix et les mots comme des instruments de musique... même si je suis française ! Cette culture de la petite voix pop est en train de changer chez nous, d'ailleurs.

Quels sont vos référents stylistiques?

Pas évident à répondre! Quand j'étais gamine, j'écoutais beaucoup de techno, aussi beaucoup de hard rock FM. À l'école, on devait se définir soit par le rock, soit par le rap. Maintenant, c'est terminé; les gens de ma génération ont grandi avec l'internet, ils passent aisément d'un style à l'autre, s'abreuvent à tous les genres, y compris la musique classique. Pour le texte, c'est idem, même un texto apparemment banal peut porter de la poésie et inspirer une chanson. On m'associe souvent à la musique des années 80, ce qui est vrai, mais... je ne me cantonne pas dans une époque ou un style, j'explore ce qui parle à mon coeur. Je suis née en 1991 et je ne suis pas nostalgique. J'espère qu'un jour on pourra parler du son de Fishbach.

Vous avez un EP et un album sous étiquette Entreprise, vous avez récolté d'excellentes critiques pour votre présence sur scène, on en passe et des meilleures. Qu'avons-nous de vous?

Ce n'est pas évident, car nous n'avons pas encore beaucoup de moyens. Mon premier EP [sans titre] est sorti en France en 2015, chez vous par la suite. Pour maintenant, nous avons prévu sortir un condensé de mon premier album, À ta merci, qui sortira chez vous en exemplaire domestique au début 2018. Aux Francos, je viens avec le même groupe avec lequel je travaille en Europe depuis six mois - claviers, basse, guitares, boîtes à rythmes, etc.

Peut-on dire que le français est plus présent dans la chanson actuelle de France, du moins chez plusieurs artistes émergents?

Effectivement, il y en a plus chez les gens de mon âge. Nous sommes de la génération internet, nous n'avons pas été éduqués avec les albums de nos grands frères. Nous avons pu écouter plein de trucs sans complexe et... nous rendre compte que nous pouvions en faire autant en français. Cette langue est la nôtre, celle que nous maîtrisons. Cette langue est riche et me permet le mieux d'exprimer ce que j'ai à dire. Sans prétendre faire aussi bien que Brel ou Gainsbourg, il y a moyen de faire de belles chansons en français, dire des choses fortes, universelles, où tout le monde peut se retrouver. Ainsi, je fréquente avec grand plaisir, sans rivalité, mes contemporains de cette scène indépendante qui tend vers le grand public.

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Scène SiriusXM, ce soir, 22 h.

L'Astral, demain, 19 h 30, en première partie de Bernhari.