L'univers poétique de Klô Pelgag est certes beaucoup plus touffu qu'un jardin anglais. Souhaiter en préciser la direction est un leurre, tenter d'y reconnaître une technique éprouvée est une fausse piste. Cela étant posé, cette fantasmagorie littéraire, cette poésie apparemment désorganisée trouvent leur sens dans la musique. Les mots y rejoignent leurs alvéoles, les sons en révèlent une cohérence insoupçonnée.

L'univers poétique de Klô Pelgag est certes beaucoup plus touffu qu'un jardin anglais. Souhaiter en préciser la direction est un leurre, tenter d'y reconnaître une technique éprouvée est une fausse piste. Cela étant posé, cette fantasmagorie littéraire, cette poésie apparemment désorganisée trouvent leur sens dans la musique. Les mots y rejoignent leurs alvéoles, les sons en révèlent une cohérence insoupçonnée.

C'est ce que la version concert de L'étoile thoracique nous a reconfirmé, samedi soir au Théâtre Maisonneuve. Arrangée pour la scène par Mathieu Pelletier-Gagnon, frère de l'auteure-compositrice-interprète, la matière de cet album déjà ambitieux était ainsi adaptée pour Pelgag et orchestre, et elle a été exécutée devant un public conquis d'avance.

Sous la direction éclairée de Nicolas Ellis, 35 musiciens (dont la chanteuse) affublés de cages thoraciques écarlates ont procédé à cette exécution. Au-dessus des instrumentistes palpitait un coeur géant à l'intérieur de ses côtes ; on en devinait la symbolique lorsque l'elfique Klô Pelgag s'est présentée devant nous, tel un chaperon rouge sous influence.

Elle est assise au piano pour entonner Samedi soir à la violence, une introduction de circonstance. « ...Tu m'as dit des choses immenses, j'implose en constellations... », raconte cette chanson de bouleversements relationnels.

La chanteuse s'est ensuite levée pour nous cueillir des Ferrofluides-fleurs au milieu de champs magnétiques. L'organe vocal prenait du mieux, on a senti plus de tonus dans sa voix trop mince d'entrée de jeu. Puis l'artiste s'est armée d'une guitare blanche immaculée et s'est vraiment mise dans le coup pour l'interprétation du Sexe des étoiles, assortie d'une longue et belle séquence instrumentale.

C'était l'occasion de se dire que le concept de cet Orchestre du Temple thoracique réunissait les qualités du big band jazzistique et de la musique de chambre. 

Évidemment, une seule représentation ne peut conduire à une parfaite cohésion, au meilleur équilibre des sections de l'ensemble ; le public de Klô Pelgag avait néanmoins droit à un orchestre bien préparé et bien dirigé.

Plus tard, on a goûté des paroles bellement hirsutes de Miss Pelgag, à la hauteur de son personnage ; en bref, elle exprimait sa joie d'être là et attribuait les rares sièges libres à « des docteurs partis faire de petites transplantations » ! Esprit thoracique, quand tu nous tiens...

Klô chantera Les instants d'équilibre, se remettra au piano pour l'interprétation d'Au bonheur d'Édelweiss... « Je sais que tes mains touchent le feu »... et voilà une autre chanson traversée par une longue séquence orchestrale, assortie de somptueux glissandos.

Elle nous racontera l'histoire de sa guitare immaculée, pourtant débusquée dans une poubelle, ce qui fut perçu « comme un signe » et généra perturbations, insomnie... « et pis ça a passé ». Devant une foule hilare, elle annonçait que la prochaine, Incendie, était pour tous les amoureux. Tendre, très touchante, coiffée d'un magnifique complément orchestral, la chanson précisait que sa narratrice « aime dormir dans tes anges dans la neige ».

De retour sur les ivoires avec Les mains d'Édelweiss, de retour à la guitare avec Les animaux, seule au micro avec Chorégraphie des âmes, conclue par un très joli dialogue improvisé des cuivres.

Pelgag raconte ensuite l'origine de la chanson Au musée Grévin. Son humour absurde continue d'épater lorsqu'elle nous avertit qu'elle se dirige vers le clavier ; « ne soyez pas surpris si je me déplace », et la foule de rire encore plus fort.

À la suite de cette chanson inspirée par les statues de cire, on nous balance un autre intermède orchestral, sorte de fanfare contemporaine mettant en relief percussions, cordes, instruments électriques, instruments à vent. En fondu enchaîné, on reconnaît la très belle Insomnie.

Toujours au-dessus de l'orchestre, le coeur suspendu fume et brille de tous ses vaisseaux, devient L'étoile thoracique lorsque la dernière chanson au programme, J'arrive en retard, introduit l'enregistrement d'une conversation avec grand-maman Pelgag. L'incohérence du propos de mamie se transforme étrangement en matériau artistique, devient le contrepoint d'une conclusion post-mimimaliste à cet ambitieux projet.

Klô Pelgag n'avait pas prévu de rappel, mais la foule a tellement insisté qu'elle revint au piano, chanta Les corbeaux avant de s'envoler vers d'autres cieux.