Lydia Képinski vient de remporter le concours Les Francouvertes et elle montera sur scène avant Pierre Kwenders, Dumas et Les Trois Accords lors de l'événement d'ouverture des FrancoFolies, ce soir. Entrevue avec une chanteuse prometteuse qui n'a pas la langue dans sa poche...

La veille de notre entrevue, Lydia Képinski était invitée à jouer et à jaser à la populaire émission radiophonique La soirée est (encore) jeune. «On l'aime tellement», a répété, dans différentes formules, l'animateur Jean-Philippe Wauthier, déstabilisé par les réponses relâchées et sarcastiques, voire légèrement arrogantes, de la chanteuse de 24 ans.

Voilà un exemple de l'effet Képinski. En entrevue, la gagnante des plus récentes Francouvertes cultive le malaise avec sa (fausse) candeur juvénile, ses réactions décalées et un franc-parler rarissime dans le milieu médiatique. Un exemple: «J'aimerais ça arrêter de dire le mot ‟concours" 500 fois en entrevue. C'est l'angle de tout le monde, mais il y a bien d'autres choses.»

Oui, bien d'autres choses... à commencer par un EP de quatre chansons remplies de promesses paru à l'automne dernier. Une voix unique, des textes qui portent et des arrangements de cordes érigent une pop raffinée. Le principal défi de l'artiste n'a pas été de créer, mais de trier.

«J'en ai plein, des chansons, mais à un moment donné, il faut faire des choix. Je me suis dit: ‟Est-ce que je veux faire un album complet, mais un peu botché, ou je veux quatre super bonnes tounes?" J'aimais mieux faire quatre bonnes tounes.»

La chanteuse d'origine franco-polonaise crée comme elle respire: tout le temps, naturellement. Le syndrome de la page blanche ? Connaît pas. 

«Je suis tout le temps en processus de création, souligne-t-elle. Je ne comprends pas les gens qui disent: ‟Je vais aller dans un chalet écrire des tounes pendant trois jours." Ce n'est tellement pas ma démarche. J'aime être créative, point, et ça peut être pour trouver un nouveau plat sans produits laitiers, sans viande, sans gras, sans sucre. J'aime les défis.»

Mots de musique

Lydia Képinski a toujours aimé les mots avant la musique. Pourtant, très jeune, elle s'est dirigée vers le piano, poussant la note jusqu'à l'école de musique Vincent-d'Indy, pépinière de virtuoses. 

Elle a vite compris que les contraintes de la musique classique freinaient sa créativité. «Je trouvais contraignant [que nos professeurs] nous disent: piano, pianissimo, point d'orgue... Je pense qui si j'avais été élevée dans le jazz, j'aurais plus tripé.»

«L'écriture était dans ma vie avant la musique. C'est le médium que j'ai choisi, mais ç'aurait pu être autre chose. En ce moment, c'est ce qui me passionne, et c'est dans ce format que je m'inscris le mieux.»

Ce sont donc d'abord les mots qui la meuvent, particulièrement ceux glanés au cégep grâce à des poètes comme Gaston Miron, à qui elle emprunte quelques vers dans la chanson Andromaque, récit épique en crescendo: «Et vous serez enfin chez vous comme en une maison, qui s'est faite en votre absence.»

De la poésie, des BD, mais surtout pas de briques littéraires. «J'ai une petite déformation du cerveau, genre TDAH. J'ai toujours eu de la misère à lire des romans.» 

Elle raconte, non sans fierté, ces nombreux matins où elle a dû farfouiller sur l'internet pour préparer des exposés oraux sur des livres qu'elle n'avait jamais lus.

La chanteuse pige à la fois dans ses lectures, dans ses expériences de jeune femme et dans la mythologie pour en extraire des chansons douces-amères aux influences franco-françaises, parmi lesquelles Serge Gainsbourg et Georges Brassens.

«Les mythes m'intéressent beaucoup. Je pense que les gens accrochent parce qu'ils n'entendent pas ça souvent. Je ne l'ai pas fait pour que ce soit surprenant, mais simplement parce que c'est ça qui venait.» 

Au passage, de petits biais politiques, comme sur Apprendre à mentir: «Je pourrais te dire qu'un jour on aura un pays, à vrai dire je pense qu'on en mérite même pas.» La chanson figure parmi les 10 finalistes pour le Prix de la chanson SOCAN.

Le grand jeu

À quand un album entier? Impossible de le dire, la date ayant été repoussée trois fois au vu des engagements de la principale intéressée. 

En outre, la chanteuse fera confiance à la même équipe, pilotée par le réalisateur Blaise Borboën-Léonard (ex-Hôtel Morphée). «Ça fait un an qu'on travaille ensemble, indique-t-elle. Pour l'EP, c'était quasiment une blind date, on ne se connaissait pas. Non seulement c'est devenu un ami, mais on joue aussi ensemble depuis le lancement, à l'automne dernier.» 

Pour ce qui est du label, le mystère reste entier: l'EP porte le sceau Chivi Chivi, mais les spectacles sont gérés par Bonsound.

La présence double de l'auteure-compositrice-interprète aux FrancoFolies lui permettra d'explorer de nouveaux pans de son répertoire. Le festival, dit-elle, réveille en elle d'heureux souvenirs de jeune spectatrice. 

«J'allais dans un camp de jour au Musée d'art contemporain, le seul que j'aie aimé. Sur l'heure du lunch, on sortait dans la petite cour intérieure du musée, puis j'entendais les Francos. J'ai aussi un souvenir indélébile de me promener en ville, de voir les stages et d'être tellement impressionnée.»

«Je pense que Laurent Saulnier a eu un kick artistique sur moi, poursuit-elle. Et que son coup de pouce va plus loin que de me programmer aux FrancoFolies. Il a confiance, et il a raison d'avoir confiance.»

Le vice-président des FrancoFolies et les gars de La soirée est (encore) jeune ne seront certes pas les derniers à tomber sous son charme. L'effet Képinski, qu'on vous dit.

___________________________________________________________________________

Avec Les Trois Accords, Dumas et Pierre Kwenders, ce soir à 18 h sur la scène Ford.

Avec Philémon Cimon, le 13 juin à 17 h dans la zone Coors Light.