Subrepticement, Bertrand Belin garde le cap sur une oeuvre de plus en plus remarquable malgré sa discrétion apparente. L'économie de ses mots justes et des riffs affûtés de sa guitare, le calme suspect de sa voix, bref, tous les traits de sa personnalité expriment une signature d'exception.

Sans contredit, l'artiste breton trace en toute liberté et garde le cap, comme l'évoque d'ailleurs cette métaphore maritime: Cap Waller, titre d'un sixième album paru en France à la fin 2015 et dont il sera surtout question lors de l'escale montréalaise.

«C'est aussi l'idée d'un passage, précise-t-il. L'album aurait d'ailleurs pu s'intituler Le passage du Nord-Ouest. Quant à Waller, c'est le nom d'un artiste de Sheffield, Hugh Waller, que j'avais entendu chanter là-bas alors que j'y enregistrais l'album précédent [Parcs] avec le réalisateur Mark Sheridan - tout comme celui-ci. Maintenant disparu, Waller avait un répertoire de très belles chansons ouvrières. Je lui rends ici un hommage amical et intime.»

De nouvelles sonorités

Avant d'atteindre ce cap imaginaire, on observe de discrètes mutations dans l'approche musicale de Bertrand Belin, qui nous avait d'abord envoûté avec une vision toute européenne de l'americana - folk, rock, blues, etc.

«Effectivement, corrobore-t-il, les patterns guitare-batterie-basse sont un peu différents des albums précédents. Un peu plus de groove, oui...»

En cela, Bertrand Belin reconnaît l'imminence de cette douce poussée vers des sonorités nouvelles, amorcée avec l'album Parcs en 2013.

Cela dit, l'auteur-compositeur-interprète se garde bien de passer aux grandes considérations sur sa composition.

«Je ne dirais pas qu'il s'agisse d'avancées claires. Bien sûr, j'ai toujours estimé avoir un idéal dont j'essaie de me rapprocher en faisant des disques. Mais... on n'atteint jamais cet idéal. Ma seule avancée, si je peux dire, repose sur la nécessité d'actualiser les formes en apportant de nouveaux timbres et de nouveaux rythmes, aussi parce le fond fait toujours partie des obsessions de la chanson française. Au-delà des mots, la musique fait aussi commentaire. L'accompagnement n'est pas inoffensif.»

Un chanteur de peu de mots

Malgré ces actualisations, Bertrand Belin reste «très attaché à une certaine épure». 

«Il y a de moins en moins de mots dans mes disques, j'ose croire qu'il y en a suffisamment ! Les thèmes généraux restent l'amitié, la fraternité, le départ, l'isolement, des choses comme ça, mais là c'est un peu plus marqué et un peu plus urbain.»

À travers Cap Waller, Bertrand Belin se montre sensible aux destins brisés des humains exclus du tissu social.

«Le disque entier ne traite pas de ces thèmes d'une manière frontale, mais il en est question.»

En direction du Cap Waller, il faut se méfier des eaux calmes...

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Ce soir, 20 h, scène Loto-Québec.