«J'ai même un vélo à Montréal»: c'est le Français JP Nataf qui lance ces mots à la fin de notre entrevue; Nataf qui a toujours entretenu un rapport heureux avec Montréal depuis que, au sein de son groupe Les Innocents, il a fait connaissance avec le succès dans les années 90. Si les Innocents n'existent plus, Nataf, lui, lançait dernièrement, Clair, deuxième album solo lumineux et solaire.

Avec ses trois musiciens, JP Nataf sera ce soir, à 19 h, sur la grande scène extérieure du parc des Festivals, puis en salle, demain et mercredi, en première partie de Pierre Lapointe. Les amateurs de brit-pop, mais en français, délicieusement ciselée et chatoyante, devraient vraiment se garrocher. Ils découvriront les étonnantes chansons de Nataf, créées de façon peu banale: «Clair est un disque fait à 80 % à la campagne, dans des maisons où j'ai conçu les chansons et fait les maquettes en grande partie tout seul», explique le chanteur à la barbe fournie.

Plus de sucre, son premier disque solo en 2004, ayant eu un succès critique, mais pas public, Nataf s'est rapidement retrouvé libéré de toute obligation contractuelle et, fin musicien, il a donc multiplié les collaborations avec d'autres artistes. «Tant et si bien qu'il m'a été difficile de trouver du temps pour faire un autre disque, poursuit-il. À un moment donné, il a fallu que je m'échappe de ma vie - c'était impossible d'écrire et de composer à Paris! J'ai donc loué des maisons, très loin, sans l'internet, où j'allais m'installer en ermite pendant un mois. C'est donc un disque fait en solitaire, mais nourri des cinq années, très collectives, qui ont précédé.»

De 1982 à 2000, c'est au sein du groupe Les Innocents qu'on a découvert Nataf: la formation a connu de très jolis succès ici avec les chansons Cent mètres au paradis et Miss Monde pleure. Très attaché au Québec, Nataf est notamment venu passer trois étés à Montréal au cours des 10 dernières années - d'où ce vélo qu'il possède ici.

Seul dans une ferme

On trouve sur Clair quelque chose qui rappelle le premier disque solo de Paul McCartney, McCartney, enregistré tout seul par Sir Paul dans une ferme en Écosse en 1970. Plutôt modeste, Nataf n'infirmera ou ne confirmera pas le parallèle, s'attardant plutôt à sa méthode de travail: «Toutes mes chansons ayant été créées dans des chambres, et non en studio, elles avaient toutes déjà une vie acoustique particulière, selon qu'elles avaient été composées et enregistrées dans une chambre en bois ou en pierre! Et c'est ce que j'ai cherché à garder.»

«Je ne suis pas ingénieur de son, je procède de façon empirique, reprend-il, et comme j'ai plus de métier, j'arrive à imposer mes vues. Je sais ce que j'ai envie d'entendre, même si ça n'est pas forcément enregistré selon les règles de l'art. Par exemple, pour le morceau Monkey, j'avais d'abord enregistré une prise de guitare qui avait toutefois un défaut: on entendait beaucoup de souffle, j'avais oublié de régler un machin ou un autre, je ne sais pas. Bref, j'ai essayé de la réenregistrer, mais la vérité, c'est que la première prise avait un swing particulier, un son spécial, que c'était la bonne! Alors, on a maquillé le souffle en y ajoutant le bruit de la pluie. Et ce souffle est donc devenu carrément un décor!»

Nataf a d'ailleurs conçu ses textes comme de petits films, avec ses héros et ses péripéties: «Je convoque un personnage, il possède forcément quelque chose de moi puisque je lui ai écrit des dialogues, mais j'essaie de ne pas le faire au premier degré. Ainsi, il y a deux chansons sur l'album qui sont au féminin: Monkey et Elle. Ce sont les moments où j'ai envie d'être une fille (rires). Et dans le cas de Monkey, c'est non seulement une fille qui parle, mais une fille qui parle de moi! De la même manière que je cherche à éviter la routine avec une mélodie, je change constamment mes méthodes pour écrire, afin de trouver autre chose.»

Sur ce Clair vraiment pas obscur, Jean-Christophe Urbain, alias «Jean-Chri», lui aussi ex-membre des Innocents, est venu travailler avec Nataf, en jouant plein d'instruments qui ont été ajoutés au travail déjà accompli par JP. Était-ce des retrouvailles ou une réconciliation? «Retrouvailles artistiques, répond Nataf. Parce que notre réconciliation, elle, s'est faite avant la sortie de mon premier album. En fait, on a fait mieux que de se retrouver: on s'est découverts. On a rajouté quelque chose qu'on n'avait pas au moment des Innocents, et c'est l'amitié. Disons que pendant Les Innocents, on était comme des amants musicaux, avec une relation très forte, intuitive, fusionnelle, mais nous n'étions pas des amis dans la vie. La nouveauté, c'est qu'aujourd'hui, on se voit, avec nos femmes, nos enfants, on se consulte, on s'aide...»

«J'ai eu très peur à la fin des Innocents, conclut Nataf. C'était le paravent derrière lequel je me cachais, ça m'évitait d'être en première ligne, de faire des choix. Et c'est vrai que sur le coup, j'en ai beaucoup voulu à Jean-Chri de saborder le groupe quand il est parti. Mais aujourd'hui, je le remercie mille fois de l'avoir fait...»

 

 

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JP Nataf, aujourd'hui, 19 h, place des Festivals, ainsi que demain et mercredi, 19 h, en première partie de Pierre Lapointe, au Club Soda.