Au Québec, le nom de Gaëtan Roussel n'a pas la stature de Louise Attaque, fameux groupe «en sommeil» dont il est le chanteur. L'impact de Ginger, son album solo, est relativement confidentiel de ce côté de la flaque. Seuls les plus fervents amateurs de chanson française ont noté. Vraiment?

À partir de ce vendredi, il pourrait en être tout autrement. Au sortir du Club Soda, un public survolté s'appliquait déjà à répandre la nouvelle et faire en sorte que le vent tourne.

Voyez le film de ce grand cru des FrancoFolies.

Pendant que le classique romantique Love Hurts se répand au-dessus de l'auditoire, le band se présente. Huit en tout. Un bonsoir franc et courtois de son leader, qui entonne Clap Hands. C'est d'ailleurs ce qu'on s'apprête à faire à notre tour. Pas à peu près! Dès le départ, on se rend compte que la machine qui roule devant nous est huilée au quart de tour. Et qu'elle va nous passer sur le corps. Et voilà un solo bien gras de sax baryton (gracieuseté de la choriste Nathalie!!!) pendant qu'on étire le groove. Houlala que ça s'annonce bien.

On enchaîne Direct sur Tokyo, très dance punk dans son intro, avant de glisser dans le texte de son auteur comme par magie, sous le rouge des lumières.

Gaëtan est content d'être là, «sincèrement». Dans cet esprit de Tim Goldsworthy, nous sommes plongés dans Inside Outside, cette pièce incendiaire marquée par des riffs et des beats bien carrés, francs comme leur concepteur. «Que pourrait-il nous arriver si on restait là sans bouger?» dit la chanson, avant que le band trouve sa cinquième vitesse sous des effets stroboscopiques.

Si l'on comptait les étoiles, encore plus groovy, comporte un pont instrumental éclairé par une rafale de lumières bleues. Des étoiles, on en compte tout plein! Et ce, pendant que le groupe s'amuse à étoffer la chanson. De plus en plus top, je vous dis.

Le feu gagne encore du terrain dans notre forêt boréale, la batterie chauffe l'auditoire sur un rythme binaire. La chanson Dis-moi encore que tu m'aimes me rappelle un tantinet Louise Attaque. Gaëtan l'amorce en toute sobriété, planté droit et planté zen avec sa gratte acoustique devant le pied de micro. Et le groove s'installe dans l'engrenage.

Après avoir rigolé autour de la notion des réclamations (demandes spéciales), le chanteur met un terme à la consultation. Et interprète Mon nom. «Et si je tourne en rond à la manière d'un mobile au plafond / Est-ce que tu te rappelles de mon nom?»

Tant qu'à faire dans l'interrogation, il soumet Des questions me reviennent. Le tempo plus lent, la facture plus folk-pop. Cette relative accalmie, vous l'avez deviné, était parfaitement orchestrée; elle précédait le tube par excellence de Ginger, Help Myself (nous ne faisons que passer), assortie d'une longue séquence de percussions.

À la suite de Backgammon, le célébrissime Gordon Gano (Violent Femmes), un proche de Gaëtan, débarque sur scène pour entonner Trouble et camper le rôle du soliste. C'est la plus rock au menu, et le père Gano la coiffe d'une vraie transe.

On repart de plus belle avec DYWD, qui se fonde sur un travail accru des choristes, le tout décliné sur un dance punk des plus fervents. On est loin, très loin de Tarmac et Louise Attaque. Le groove et les riffs s'étirent. Vient alors à l'esprit que Roussel emprunte clairement aux collègues anglo-américains de DFA Records, à LCD Soundsystem ou!!!(chkchkchk), pour ensuite intégrer cette approche à son corpus.

Le texte, c'est vrai, peut en atténuer la transe et lui conférer une autre substance. Une certaine minceur? En ce qui me concerne, ça déménage d'aplomb pour de la chanson française. Et bien non, on n'imaginerait pas James Murphy (de LCD) entonner Les belles choses au rappel!

Pour les fans de Louise Attaque, 1000 milliards de dollars est reconstruite à la manière Ginger, c'est-à-dire avec un régiment de percus, une averse de syncopes en vocalises et onomatopées. Et Gaëtan clôt ce premier cycle de rappels en balançant Psycho Killer, une reprise des Talking Heads.

Love Hurts, chantée par un collègue du soliste, ne réussit pas à boucler la boucle et ainsi calmer définitivement l'auditoire comme prévu. «On n'a plus de morceaux!» fait valoir Gaëtan, avant de décider de reprendre Help Myself... Nous ne faisons que REpasser! Inutile d'ajouter que Roussel repassera par chez nous.