Un article élogieux dans Billboard, la visite d'un haut dirigeant de Live Nation, le spectacle-surprise de The Killers et même la présence des parents de Lady Gaga: le Festival d'été de Québec vit une sorte de consécration. Il surfe sur sa programmation gagnante et a bien accompli son virage jeunesse.

Intitulé How Festival d'été can charge 70$ for 11 days of major headliners?, l'article de Billboard souligne le caractère unique du Festival d'été de Québec parmi les grands festivals de musique extérieurs en Amérique du Nord. Pour Billboard, le FEQ représente une aubaine.

Comment peut-on vendre 70$ un bracelet qui donne accès à 11 jours de musique avec des vedettes comme Lady Gaga, Bryan Adams, Billy Joel, deadmau5, Soundgarden, Queens of the Stone Age, The Killers et Snoop Dogg? C'est que 35% du budget de 22 millions vient de commanditaires et 15%, de subventions publiques. De plus, l'organisation du Festival est à but non lucratif, contrairement à Coachella et à Osheaga. Autre atout majeur du FEQ: la possibilité de réunir 100 000 personnes sur les plaines d'Abraham, un immense site historique situé en pleine ville à proximité des artères commerciales.

Pourtant, quand Daniel Gélinas a pris la tête du Festival d'été de Québec, en 2002, il ne pensait jamais remplir le parc des Champs-de-Bataille. «Au début, on voulait avancer la scène car le terrain était trop grand. Jamais je n'aurais pu imaginer avoir à fermer le terrain comme on a dû le faire [au spectacle des Black Eyed Peas]», nous indique-t-il dans le bouillant quartier général du FEQ, à l'hôtel Hilton.

La valeur historique de Québec attire aussi les artistes. «L'entourage de Lady Gaga n'a pas arrêté de poser des questions sur la bataille des plaines d'Abraham», souligne Luci Tremblay, directrice des communications.

Daniel Gélinas ne révèle pas de chiffres, mais, d'après l'article de Billboard, on peut conclure que le FEQ a vendu 140 000 bracelets. Le but: qu'ils soient utilisés le plus de soirs possible pour remplir les Plaines et les salles. Cela plaît aux commanditaires et fait vendre de la bière.

Équilibre et diversité

C'est connu: il est plus facile de convaincre Lady Gaga, Snoop Dogg et Queens of the Stone Age de se produire à la fois à Montréal et à Québec, et peut-être même à Ottawa. Cette année, le FEQ a néanmoins réussi à avoir Bryan Adams, Billy Joel et deadmau5 en exclusivité. «C'est du cas par cas, indique Louis Bellavance, directeur de la programmation. Billy Joel sort rarement de New York. Il ne tourne pas. Il sort juste pour du grandiose. C'était une mise en scène parfaite pour avoir l'exclusivité.»

En poste depuis trois ans, Louis Bellavance est heureux que le FEQ se distingue des autres festivals, mais ce n'est pas une priorité. Il préfère que les gens de Québec puissent voir un maximum de têtes d'affiche de qualité. «Je ne m'empêcherai pas d'avoir Lady Gaga même si elle veut jouer à Lévis, à la limite.»

Le mandat de sa programmation: équilibre et diversité. Un tout qui se tient grâce à une foule de détails. Une soirée pop, une scène hip-hop, une autre rock et une offre francophone forte, pour ratisser le plus large possible.

Par exemple, The Kills et Queens of the Stone Age se sont produits sur les Plaines hier soir. Pendant ce temps, Dead Obies s'est produit avant Manu Militari et Cypress Hill, alors que Laurence Hélie, Philippe Brach et Vincent Vallières se sont succédé sur la scène de l'Impérial. Des soirées thématiques selon trois profils de mélomanes.

Bon goût, bonne réputation

«Quand j'ai commencé au Festival d'été, en 2002, Québec était l'équivalent de Kuujjuaq pour les agents aux États-Unis», lance Daniel Gélinas.

Douze ans plus tard, le FEQ et les grands spectacles extérieurs sur les Plaines n'ont plus besoin de présentation en Amérique du Nord. Avec la visite de Metallica et de Paul McCartney, le mot s'est passé. «Je sais que Billy Joel a vu des vidéos sur YouTube», souligne Louis Bellavance.

Ce dernier a convaincu The Killers de donner un spectacle-surprise au Capitole, dimanche dernier, alors que la bande de Brandon Flowers devait tout simplement y répéter après quelques semaines de pause. C'est la première fois ou presque que le FEQ improvise un spectacle payant, «histoire que la soirée se rentabilise à la porte». «The Killers voulait des vrais fans «crinqués». C'était sa seule exigence.»

Autre première: le géant du spectacle Live Nation a accepté - chose rarissime lors d'un festival - de collaborer avec le FEQ pour le spectacle de Lady Gaga au lieu de lui «vendre» le spectacle. Résultat: «Les chauffeurs de camion et les rouleurs de fils de Live Nation étaient à Québec. C'était lourd, une grosse machine, dit Louis Bellavance. Mais ça ouvre des portes pour travailler avec eux en dehors du festival. C'est très positif, ce qui s'est passé avec eux.»

Même un très haut dirigeant de Live Nation, qui désirait garder sa visite secrète, a fait le voyage jusqu'à Québec. «On s'entend qu'il n'assiste pas à chaque show de la tournée», ironise Louis Bellavance.

Aussi présent: John Branigan, représentant pour l'est du Québec de l'agence William Morris, qui a annulé son billet d'avion pour rester une journée de plus. «La plus grosse agence d'artistes au monde», précise Louis Bellavance.

Penser gros, rester petit

Le FEQ est «gros en restant petit», dit Daniel Gélinas. À l'heure du souper, les salles de l'Impérial et du Cercle se remplissent dans le quartier Saint-Roch, dans la Basse-Ville. Les spectacles gratuits et ouverts à tous attirent aussi beaucoup de gens sur la place D'Youville, tout comme le volet des arts de la rue. «Les gens de Québec se sont approprié leur festival. Une personne sur trois le fréquente.»

Autre mission accomplie: le virage jeunesse amorcé il y a quelques années. En 2013, 42% des festivaliers avaient moins de 34 ans et 18%, moins de 25 ans.

Bien que fort satisfaits de la santé du FEQ, Daniel Gélinas et Louis Bellavance remettent constamment en question l'événement pour rester à l'avant-garde.