Parsifal est le troisième opéra de Richard Wagner (1813-1883) auquel s'attaque Yannick Nézet-Séguin. «Une très grosse affaire», résume-t-il.

Le compositeur allemand voyait en son ultime opéra un «festival scénique sacré» réparti en trois actes, dont la durée peut approcher les cinq heures. Parsifal fut créé le 26 juillet 1882 au Festival de Bayreuth, en Allemagne, qui le présenta en quasi-exclusivité jusqu'en 1914.

«Wagner, c'est l'art total de son époque, opéras grandioses, incroyables réalisations. Plus jeune, j'en avais peur! Et c'est pourquoi j'avais décidé de garder ça pour mes vieux jours. Or, mes vieux jours ont commencé il y a quatre ans!» 

«J'avais un plan à l'origine, poursuit-il: diriger tous les opéras de Wagner par ordre chronologique, c'est-à-dire commencer par Le vaisseau fantôme (Le Hollandais volant) et conclure par Parsifal, mon plus grand rêve. Et... finalement, j'ai manqué de patience ! [Rires] Ainsi, j'ai fait Le vaisseau fantôme quelques fois [Rotterdam, Vienne, New York], j'ai fait deux fois Lohengrin [notamment à Lanaudière], et voilà Parsifal

Au Met en février prochain

Yannick Nézet-Séguin et l'Orchestre métropolitain présentent Parsifal en clôture du Festival de Lanaudière demain. En février prochain, le maestro exécutera la même oeuvre avec le Metropolitan Opera à New York. Il compte du coup reprendre la mise en scène de François Girard - imaginée d'abord pour l'Opéra de Lyon en 2012 et présentée l'année suivante au Metropolitan Opera House.

Pour Lanaudière, la préparation de l'opéra est échelonnée sur quelques jours: «Je passe d'abord une journée avec les chanteurs accompagnés au piano. Il y a ensuite deux jours de répétitions avec l'orchestre seul. Après quoi je réunis tous les ingrédients de la potion magique, tous les artistes se retrouvent ensemble.»

L'exécution de Parsifal repose plus précisément sur 89 instrumentistes de l'Orchestre Métropolitain, 85 chanteurs du Choeur Métropolitain, six rôles principaux et 12 rôles secondaires chez les chanteurs.

«Ces derniers sont tous de grands wagnériens avec qui j'ai déjà travaillé. Le ténor Christian Elsner (Parsifal) est Allemand, le baryton Brett Polegato est Canadien, la mezzo-soprano Mihoko Fujimura est Japonaise, la basse Peter Rose est Britannique, le baryton Boaz Daniel est Israélien, le baryton-basse Thomas Goerz est Canadien. C'est donc une distribution vraiment internationale.»

Encore faut-il rappeler que la représentation de Lanaudière ne prévoit pas de mise en scène. «Je le fais aussi de cette manière pour les opéras de Mozart enregistrés chez Deutsche Grammophon. La formule concert a l'avantage de faire passer toute l'émotion par la voix et la musique. Je ne dis pas que ça remplace la mise en scène d'un opéra, c'est une autre expérience. On entre vraiment dans un autre monde et on se trouve dans cette cathédrale de nature à Lanaudière, ce qui favorise l'exécution de l'oeuvre.»

«Chef d'oeuvre des chefs-d'oeuvre»

Yannick Nézet-Séguin confie qu'il n'aurait jamais pu investir l'univers de Parsifal s'il n'avait pas dirigé d'autres opéras de Wagner auparavant.

«Il faut bien en saisir le rapport au temps, dit-il. Il faut savoir accepter la longueur des phrases, des lignes mélodiques, des actes. Tous ces éléments font partie d'une même respiration organique. J'aime comparer cette approche aux baleines, dont les mouvements sont à la fois lents et très puissants. En musique, j'aime aussi évoquer les symphonies de Bruckner que j'ai enregistrées avec l'OM. C'est une clé pour la compréhension de la musique de Wagner, particulièrement Parsifal

Pour Yannick Nézet-Séguin, en fait, Parsifal est «le chef-d'oeuvre des chefs-d'oeuvre» parmi les opéras de Wagner. «Certains choisissent la Tétralogie (L'anneau des Nibelungen) à cause du lien entre ces quatre opéras. Sur papier, ça peut aller plus loin, mais le plus grand impact émotif, sensoriel et intellectuel d'un opéra de Wagner se trouve chez Parsifal

«Il y a cette technique du leitmotiv propre au compositeur, soit un thème ou un motif orchestral associé aux personnages et aux situations dramatiques. Dans Parsifal, tous les leitmotive sont parfaitement dosés. Mon coeur fond à l'écoute de chacun d'eux.»

Ce qui conduit également le maestro à considérer Richard Wagner comme l'un des plus grands compositeurs de son époque.

«Bien sûr, il fut une figure controversée, notamment pour son antisémitisme ou pour ses échanges de vacheries avec des collègues, ou encore pour les guerres de clocher auxquelles il a pris part, souligne-t-il. J'ai beaucoup de réserves sur la personne qu'il fut, comme on peut en avoir sur tant de créateurs dans l'histoire. Mais la musique de Wagner, Parsifal dans le cas qui nous occupe, doit être prise pour ce qu'elle est.»

Idem pour la trame dramatique de cet opéra, fondée sur des classiques de la littérature arthurienne: l'épopée médiévale Parzival, de Wolfram von Eschenbach, et Perceval ou le conte du Graal, de Chrétien de Troyes.

«Nous avons affaire à un livret un peu complexe, avec une philosophie de rédemption un peu datée, estime Yannick Nézet-Séguin. Mais ça vient fouiller dans ce subconscient chrétien catholique que nous avons au Québec. Assister à Parsifal, c'est un peu comme assister à une oeuvre religieuse sans qu'elle le soit.»

À l'amphithéâtre Fernand-Lindsay, demain, 17h, dans le cadre du Festival de Lanaudière