Seul élément à retenir de la soirée d'hier à Lanaudière: Benedetto Lupo dans le Concerto pour piano de Scriabine. Soit 28 minutes dans un concert de deux heures, entracte compris.

Le Scriabine était l'un des moments attendus de la programmation 2015 du Festival, centrée sur le centenaire de la mort du compositeur russe. Ce concerto est très rarement joué et sa mince discographie est d'autant plus inhabituelle qu'on y trouve Solomon, Badura-Skoda et Friedrich Wührer, pianistes peu identifiés à la musique russe s'il en est.

Scriabine le composa en 1897, à 25 ans. Il s'agit donc d'un produit de jeunesse, avec un peu de romantisme à la Chopin et une bravoure pianistique à la Rachmaninov, sollicitant le soliste presque sans répit du commencement à la fin. Deux mouvements rapides y encadrent un mouvement lent formé de quatre variations. Le tout s'écoute bien, surtout dans l'interprétation à la fois brillante et raffinée de Benedetto Lupo, pourtant peu associé lui aussi au répertoire russe.

À noter que M. Lupo reviendra à Scriabine, cette fois en récital, demain soir (lundi, 20 juillet), à 20 h, à l'église de Saint-Sulpice. Il jouera alors les 24 Préludes op. 11, en plus de Debussy et Janacek.

À l'Amphithéâtre, devant environ 3000 personnes, l'Orchestre Métropolitain était confié à un chef invité, l'Autrichien Christoph Campestrini, lequel, peut-être inspiré par le soliste, tira un son remarquablement moelleux et unifié des cordes en sourdine annonçant l'entrée du piano au début du mouvement lent.

Ce qui précédait et suivait la rencontre Scriabine-Lupo appartient au domaine de l'ordinaire. La tapageuse Nuit sur le mont Chauve de Moussorgsky constituait sans doute une très bonne ouverture de programme russe, même dans cette réorchestration émondée de Rimsky-Korsakov couramment utilisée. Mais pourquoi, puisque nous sommes dans un festival, ne pas être retourné à la version originale de Moussorgsky, qui est plus longue de quelque 100 mesures et, surtout, beaucoup plus sauvage et beaucoup plus efficace? L'OM pouvait d'ailleurs prendre l'initiative, ayant joué cette version originale en 2002 avec Nézet-Séguin.

Le chef invité n'en tira pas grand-chose: une lecture en place, presque ennuyeuse même, avec quelques problèmes d'ensemble vers la fin. Mais le pire nous attendait après l'entracte dans la Pathétique de Tchaïkovsky. Cette musique est extrêmement riche et extrêmement émouvante: cela, de vraies interprétations nous l'ont appris. Hélas! là encore, le chef invité se contenta d'une direction de routine, sans dramatisme, sans lyrisme.

Les écrans confirmaient d'ailleurs qu'il ne communiquait absolument rien aux musiciens devant lui. Bien sûr, la fin tumultueuse du troisième mouvement produit toujours son effet, avec ces applaudissements empressés de ceux qui ignorent qu'il reste un mouvement à venir. Au surplus, l'exécution fut marquée de nombreuses imperfections, notamment de justesse, tant aux cordes qu'aux vents, et en partie attribuables à l'humidité qu'il faisait là-bas.

Autre détail: on n'entendit pas la fameuse note que tient le tam-tam à la toute fin de la Pathétique. D'accord, la partition l'indique «ad libitum»... mais on l'entend toujours! Peut-être avait-on oublié de mettre l'instrument dans le camion? Ce qui nous rappelle que le tam-tam n'est pas le petit tambour que l'on pense, mais une grande plaque circulaire en métal, aussi appelée gong, qu'on frappe avec une masse. Celui qui vous parle renonça à titrer «Tchaïkovsky sans tam-tam», sachant que peu de gens auraient compris...

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ORCHESTRE MÉTROPOLITAIN. Chef invité: Christoph Campestrini. Soliste: Benedetto Lupo, pianiste. Hier soir, Amphithéâtre Fernand-Lindsay, de Joliette. Dans le cadre du 38e Festival de Lanaudière.

Programme: Une Nuit sur le mont Chauve (1867) - Moussorgsky, réorchestration: Rimsky-Korsakov (1886)

Concerto pour piano et orchestre en fa dièse mineur, op. 20 (1897) - Scriabine

Symphonie no 6, en si mineur, op. 74 (Pathétique) (1893) - Tchaïkovsky