Qu'on aime Wagner ou non, qu'on puisse trouver cette musique tapageuse, envahissante, vulgaire par moments, et Lohengrin invraisemblable et barbant, avec son histoire de cygne qui pourrait se résumer en quelques minutes et s'éternise sur plus de quatre heures, bref, abstraction faite de tout ce qu'on peut penser de Wagner et ses créatures, il reste que ce secteur très particulier de l'univers musical a ses mérites et, surtout, ses innombrables adeptes.

On en comptait quelque 5000 dimanche, accourus pour l'événement final du 36e Festival de Lanaudière, qui remplissaient la partie couverte de l'Amphithéâtre et jusqu'au sommet de la vaste pelouse, ont écouté dans un silence religieux et ovationné longuement et à grands cris les chanteurs, le choeur, l'orchestre et leur chef.

On est entré là à 17 h, en plein soleil. On en est sorti à 21 h 30, comme en pleine nuit. L'affaire a semblé durer une journée entière. La plupart des 5000 personnes présentes ont manifestement pensé le contraire et il faut envier leur bonheur. Car même dans les limites d'une version concert où les interprètes chantaient sans costumes et devant lutrins, Lohengrin a reçu une réalisation de tout premier plan.

La plus grande réussite est celle de Yannick Nézet-Séguin. Abordant son tout premier opéra de Wagner et complètement transfiguré par le sujet - témoin les écrans géants! - , notre génial jeune chef a amené ses troupes augmentées, soit l'Orchestre Métropolitain et le Choeur de l'OM, à une puissance et une profondeur de son et une qualité d'expression collective et individuelle jamais égalées encore dans le passé.

Tout sonnait parfaitement bien et vrai, et ce, à chaque instant: des cordes très nourries et très justes, des cuivres d'une force incroyable se répondant de part et d'autre de la scène ou venant de l'arrière, des timbres lugubres de basson et de clarinette basse en accord avec certaines situations, des chevauchées à perdre haleine du choeur et de l'orchestre réunis et, en total contraste, des moments de délicate intimité, comme la célèbre Marche nuptiale. Extraordinaire. L'OSM et son Choeur n'auraient pu faire mieux.

Si la distribution ne nous valut pas de grandes révélations, en revanche les interprètes des six rôles furent tous, et sans exception, très satisfaisants. Trois nous venaient des États-Unis: Brandon Jovanovich, en Lohengrin au heldentenor plus élégant que tonitruant, Heidi Melton, à la fois grand soprano dramatique et tendre Elsa, et, remplaçant Deborah Voigt, la mezzo Jane Henschel, assez convaincante en perfide Ortrud mais avant tout vocaliste projetant à 61 ans des aigus terrifiants. Les trois excellentes voix graves masculines étaient celles du Britannique Andrew Foster-Williams, en Telramund, et des Canadiens Robert Pomakov, en roi Heinrich, et Étienne Dupuis, en héraut d'armes. On l'aura remarqué: dans son petit rôle, M. Dupuis fut absolument l'égal des deux autres.

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LOHENGRIN, opéra en trois actes, livret et musique de Richard Wagner (1850). Dimanche, Amphithéâtre Fernand-Lindsay de Joliette. Dans le cadre du 36e Festival de Lanaudière.