Les barytons jouent souvent des personnages tourmentés, fourbes ou manipulateurs. Mais pour le jeune chanteur canadien, que l'on a entendu récemment en Werther à l'Opéra de Montréal, c'est en quelque sorte une première dans le rôle d'un authentique méchant.

«Je n'ai jamais joué le vilain, dit-il, sauf si quelqu'un considère que Don Giovanni, ou que le comte Almaviva, qui commet de mauvaises actions dans Le Nozze di Figaro, en sont. Mais pour moi, ce ne sont pas des méchants véritables. Et parfois, c'est amusant d'être le vilain!»

Avant qu'on lui propose ce rôle, il n'avait jamais vu ni même entendu parler de cet opéra dont les représentations sont rarissimes. Il s'agit d'ailleurs d'une première québécoise.

«C'est une oeuvre fascinante, parce qu'elle constitue en quelque sorte un chaînon manquant entre Weber et Wagner, dit Phillip Addis. Comme eux, ses opéras incorporent des éléments surnaturels typiques du romantisme allemand. La musique ressemble davantage à celle de Weber, mais contient des motifs mélodiques récurrents, un peu à la manière d'un Wagner avant l'heure. Sans aller aussi loin que Wagner avec l'usage du leitmotiv, ces thèmes apportent une unité à l'ensemble.»

Originaire de l'Ontario, le jeune chanteur est bien connu du public d'ici puisqu'il a passé trois ans à l'Atelier lyrique de l'Opéra de Montréal. Il a aussi remporté le premier prix au concours de l'OSM en 2004. Outre Werther à l'OdM, la saison dernière, on l'a entendu dans Les pêcheurs de perles il y a deux ans. En septembre prochain, il sera le comte Almaviva dans Le Nozze di Figaro.

Éviter les clichés

«Évidemment, j'ai déjà vu des films de vampires classiques dans le passé, mais je n'ai pas vu les vampires modernes comme ceux de Twilight, explique le chanteur. En fait, j'ai évité de regarder des films pour me préparer au rôle, car je ne voulais pas être influencé par les clichés d'Hollywood. J'ai plutôt lu sur les représentations plus anciennes des vampires, celles des XVIIIe et  XIXe siècles. Par exemple, les fameux crocs ne sont pas mentionnés dans cet opéra, car je crois que ce n'était pas présent dans l'imagerie des vampires avant Dracula.»

L'oeuvre de Marschner est basée sur la nouvelle The Vampyre, de John Polidori. Écrite en 1819, près de 80 ans avant Dracula, elle est considérée comme la première oeuvre de la littérature anglaise avec un vampire comme personnage central.

«Lord Ruthven est plus humain que la plupart de ceux que l'on trouve dans les films de vampires du XXe siècle, dit le chanteur. J'essaie de rester collé à cette conception. Ce n'est pas un simple monstre malfaisant, car il souffre beaucoup de sa situation et il est désolé pour ses victimes. Il a eu la malédiction d'être changé en vampire, son goût insatiable pour le sang a ruiné sa vie, mais c'est plus fort que lui.»

C'est la pauvre Malwina, demoiselle en détresse (Marianne Fiset), qui sera la cible de cette soif d'hémoglobine. Les autres membres de la distribution sont Frédéric Antoun, Nathalie Paulin, Robert Pomakov, Chad Louwerse et Tracy Smith Bessette.

Traditionnellement, les opéras présentés à Lanaudière le sont en version concert. Cette fois, la direction du Festival a voulu aller plus loin en présentant une version demi-scénique. Sans évoluer parmi des décors, les chanteurs se déplaceront toutefois sur scène, avec quelques éléments de costumes et des accessoires.

Le travail de mise en scène a été réalisé par Alain Gauthier, qui devait relever un défi particulier: faire bouger les personnages malgré la présence sur scène de l'Orchestre du Festival. Alex Benjamin, directeur artistique du Festival, a expliqué que l'on pourrait ainsi mieux profiter de l'acoustique de l'Amphithéâtre Fernand-Lindsay que si l'orchestre était dans une fosse. Le tout sera dirigé par Jean-Marie Zeitouni.

Der Vampyr, ce soir, 20h, Amphithéâtre Fernand-Lindsay, Festival de Lanaudière.