L'entrée sur scène était cocasse: on avait fait jouer le mauvais enregistrement pour annoncer Phronesis, la voix de l'animateur Stanley Péan invitait plutôt Gwilym Simcock... qui s'était produit plus tôt. Hilarité générale au parterre du Monument-National, vous vous en doutez bien...

Malgré cette anicroche (double croche tant qu'à y être), le trio anglo-scandinave nous a une fois de plus fait la démonstration de son excellence et de son leadership esthétique. Ce groupe peut compter sur trois musiciens d'égale force et dont l'expression individuelle occupe désormais plus d'espace dans le discours général. Et quel discours général, mes amis ! Cohésion hallucinante en haute vélocité, élégance et souplesse sur toute la ligne.

Phronesis serait-il le plus solide de tous ces trios européens extrêmement soudés, peu bavards, et dont la qualité du groove renverse tout mélomane qui se respecte? Poser la question...

Le contrebassiste Jasper Høiby a déjà confié que le modèle originel de Phronesis était un enregistrement de Chick Corea avec le batteur Roy Haynes et le contrebassiste Miroslav Vitous, soit l'album Now He Sings, Now He Sobs. Soit, mais on ne peut s'empêcher de faire aussi le rapprochement avec le trio EST du regretté pianiste Esbjörn Svensson... Sur cette voie, d'ailleurs, Phronesis nous mène encore plus loin.

Au fil de sept albums lancés depuis 2007, dont le récent The Behemoth, les langues individuelles se sont déliées.

Hier soir, par exemple, on a pu savourer des impros aussi fluides qu'éblouissantes du pianiste anglais Ivo Neame, on a aussi pu contempler les solos très étoffés du Danois Jasper Høiby et, bien sûr, applaudir le jeu de ce formidable batteur qu'est le Suédois Anton Eger. C'est de ce dernier que vient d'abord cette actualisation du jeu en trio, façon Phronesis. Le choix de ses figures rythmiques, son souci du détail et l'intensité de son exécution le positionnent clairement parmi les meilleurs sur la planète jazz.

Voilà autant d'arguments pour ne jamais louper une escale montréalaise de Phronesis. Vous le saurez pour la prochaine...