Encore aujourd'hui, malgré l'affluence massive de super techniciens formés dans des centaines de conservatoires et facultés universitaires, le jazz admet et célèbre des musiciens pour leur musicalité exceptionnelle et non pour leur virtuosité.

Ils sont adulés pour la finesse de leur discours, pour leur quête texturale, pour l'intelligence sensible de leurs interactions, pour la profondeur de leur discours, pour la délicatesse du ton, pour la délicatesse de leur propos.

Le guitariste Bill Frisell et le contrebassiste Thomas Morgan appartiennent à ces musiciens trop rares qui fascinent les mélomanes pour toutes ces raisons. Et voilà pourquoi il fallait être au Gesù en fin de soirée, hier.

Ils ne sont pas de la même génération, ils s'entendent à merveille. De Thelonious Monk à Burt Bacharach en passant par John Barry, ils reprennent des airs connus du jazz moderne, de la pop classique, du répertoire americana, du minimalisme américain ou même de la tradition mandingue d'Afrique de l'Ouest.

Ils en déconstruisent les harmonies, les rythmes, les thèmes mélodiques pour ensuite construire de nouveaux édifices ici et maintenant. Contrebasse, guitare, pédales d'effets au service de musiques entrelacées, entrelardées, superposées, soudées magnifiquement.

Le vocabulaire de Bill Frisell ne cesse de s'enrichir, sa palette ne cesse de s'élargir, le brillant contrepoint de Thomas Morgan en étoffe la facture et vice versa. On appelle ça la grande complicité, la symbiose, on appelle ça l'état de grâce.