De sa voix diaphane, elle vous susurre en français ce qu'elle vous a interprété ou ce qu'elle vous chantera. Dans sa robe écarlate, l'élégante Youn Sun Nah laisse l'impression qu'elle est faite de cristal et que la moindre perturbation peut faire tout s'écrouler.

Voilà un beau mirage.

Lorsque la chanteuse sud-coréenne entonne un air, quel qu'il soit, c'est la mutation instantanée, totale. Une puissance insoupçonnée se dégage de cet être humain devant un auditoire sidéré. Sidéré, mais aussi conquis, profondément séduit par cette artiste. Une troisième fois à Montréal, on l'a observée, soit mercredi soir au Monument National.

Youn Sun Nah peut camper diverses personnalités vocales, de la torch singer à la jazz diva en passant par la blueswoman graveleuse. Elle peut intégrer diverses esthétiques vocales, en phase avec la nature des pièces au programme. Elle peut ainsi passer aisément de Tom Waits (Jockey Full of Bourbon) à Peter, Paul & Mary (No Other Name) en passant par un air traditionnel adapté naguère par Fairport Convention (A Sailor's Life) ou Paul Simon (She Move's On, chanson titre de son plus récent album sous étiquette The Act Company).

Collaborateur régulier de John Zorn, le claviériste Jamie Saft (piano, Fender Rhodes, Hammond B3) assure la direction musicale de cet quartette au service ce cette superbe chanteuse asiatique... dont l'esthétique est foncièrement occidentale sauf quelques détails infimes. Saft a aussi réalisé l'opus She Moves On avec la même formation  - claviers, guitare, contrebasse, batterie. Venant d'un musicien habitué aux propositions iconoclastes, l'approche est d'une étonnante sobriété, ce qui peut même constituer un léger irritant pour les jazzophiles plus aventureux. À l'évidence, ces derniers n'étaient pas légion mercredi soir.

La première prestation en salle du 38e FIJM n'a pas fait salle comble (parterre garni, mezzanine fermée), son auditoire fut néanmoins comblé.