Si le flamenco est considéré aujourd'hui comme un art séculaire et respecté sur la planète entière, c'est parce que ses protagonistes ont su l'actualiser au fil des époques, en étoffer les bases et ainsi en assurer la pérennité. Or, pour que ces réformes tiennent la route de l'histoire, elles doivemt être imposées par les plus grands. Inutile d'ajouter que Paco de Lucia est de ces géants que l'histoire autorise les plus grandes réformes.

Samedi soir à la salle Wilfrid-Pelletier, il nous en a fait la vibrante démonstration. Une fois de plus.

Le soliste était accompagné de son neveu de guitariste, Antonio Sanchez Palomo.D'un bassiste électrique, Alain Perez. D'un harmoniciste chromatique et aussi claviériste d'appoint, Antonio Serrano. D'un percussionniste, «El Pirana» Israel Suarez Escobar. De deux chanteurs, Rafael Cortes et David de Jacoba. D'un danseur, «Farru» Antonio Fernandez Montoya. Chanteurs et danseur officiaient également aux palmas (battement des mains). Alignés de gauche à droite sur les planches, ils favorisaient une élégante sobriété scénographique.

Le flamenco, avons-nous observé de nouveau, est un art spasmodique. Il se développe sur des élans subreptices, il s'étend sur des envolées permettant aux solistes de s'exprimer sur des vitesses variable,  soutenus avec des rythmes fervents et un continuum harmonique relativement simple mais ô combien envoûtant. Ainsi, ces conditions favorisent le dialogue entre musiciens, chanteurs et danseur, mettent en lumière leur performances individuelles.

Il fut fascinant d'observer les attaques incisives de Paco que stimulait la percussion (cajon, djembe et moult tambours), le battement des mains, la guitare rythmique ou même la basse électrique, instrument atypique du flamenco on ne peut mieux intégré dans cet ensemble. L'intégration de l'excellent harmoniciste chromatique Serrano m'a semblé réussie à souhait. Quant aux claviers qu'actionnait le même musicien, c'était moins évident voire beaucoup trop mince. Faute de goût pour ainsi dire; cette «moquette» n'étaient vraiment pas assortie à la richesse des autres instruments. Impression d'artifice...

Le flamenco est aussi l'occasion de voir les pieds d'un danseur devenir la percussion solo. Podorythmie suprême que celle de «Farru» Antonio Fernandez Montoya ! Ses gestes félins et saccades ajoutaient à un jeu de pieds des plus spectaculaires, pour ainsi soulever la foule.

Et que dire de ces chants ensablés et puissants, qui tranchent l'atmosphère, transpercent la pénombre. Olé!

De son côté, Paco de Lucia a préconisé samedi des solos plutôt discrets malgré quelques séquences éclatantes, surtout en fin de programme. Il nous a notamment réservé une conversation guitaristique au sommet avec son jeune collègue Antonio Sanchez Palomo, redoutable soliste au demeurant.

Avant que l'ensemble boucle la boucle avec une magnifique rumba, Paco de Lucia aura reçu le Prix Hommage du Salon de Guitare de Montréal.

En résumé, souplesse, concision, cohésion, passion, suavité, virilité. Danse virtuose, chant virtuose, cordes virtuoses, fondu enchaîné d'interventions individuelles de très haut niveau.