Après avoir reçu en toute humilité le Prix Antonio-Carlos-Jobim avec les hommages bien sentis d'André Ménard, cofondateur du FIJM, le supravirtuose tablaïste Zakir Hussain a rejoint sur scène le contrebassiste anglais Dave Holland et le saxophoniste américain Chris Potter, avec qui il tourne depuis quelques semaines en Europe et en Amérique.

Ensemble, ils ont fait vivre au public de la Maison symphonique une expérience jazz-world fondée sur des thèmes et structures relativement simples, chorus et ponts sur lesquels s'érigeaient des dialogues et solos improvisés d'une immense complexité. 

Le saxophoniste a ouvert le jeu au soprano, avec le soutien de la contrebasse fantastique de Dave Holland, et des percussions hallucinantes de Zakir Hussain. Nous étions témoin de cette relation magnifique entre jazz contemporain et tradition hindoustanie (nord de l'Inde) apprise du paternel Allah Raka, accompagnateur du célébrissime sitariste Ravi Shankar.

Après quoi des ambiances antillaises ont fleuri au ténor, sur des rythmes hybridés entre l'Est et l'Ouest, d'une incomparable sophistication.

Le service suivant de ce festin en trio fut un hommage de Zakir Hussain à son grand ami le guitariste anglais John McLaughlin, avec qui il avait jadis fondé le groupe Shakti, soit une rencontre historique entre la musique classique indienne et le jazz.

Jusqu'à la fin de cette heure et demie, on assistera à de lumineuses conversations entre tablas, contrebasse, saxos ténor et soprano. Injectés par le musicien asiatique, les stimuli de la percussion, fabuleux concepts de l'Inde septentrionale, pousseront les collègues occidentaux à élever leur jeu déjà très haut.

Voilà une de ces rencontres annonciatrices de l'avenir musical sur cette petite planète : celle d'esprits ouverts, prêts à passer au prochain stade de l'humanité et concevoir via la musique une langue commune fondée sur l'assomption du métissage et sur le respect mutuel des grandes expertises et traditions.

Theo Croker au Gesù

Le saxophoniste Irwin Hall, le pianiste Mike King, le contrebassiste Eric Wheeler et le batteur Kassa Overhall étaient mercredi au service de la vision du trompettiste Theo Croker, jeune loup de 32 ans, toutes ses dents.

Tous d'excellents musiciens réunis au Gesù, ces Américains proposaient hier une facture post bop, parfois modale dans les concepts harmoniques, facture mise de l'avant à la fin des années 50 et au cours des années 60. 

Planait au-dessus de la scène un esprit afro-américain dans la façon d'exprimer le jazz moderne, très chargé sensuellement, non sans rappeler certains ensembles de Roy Hargrove.

Le quintette aura surtout joué la matière de l'album Escape Velocity, paru en 2016 chez Okeh Records. À suivre de près...



PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

Theo Crokers