Le monde du rock est décidément bien vaste. Pendant que certains se contentent de cultiver le patrimoine occidental, avec ses codes et ses clichés, d'autres explorent le reste de la planète, à la recherche de sonorités et de mélodies plus exotiques.

C'est le cas d'Altın Gün, qui se produit ce soir au Festival international de jazz de Montréal et vendredi au Festival d'été de Québec. Bien qu'originaire des Pays-Bas, ce sextette a choisi de se spécialiser dans les reprises de rock psychédélique turc, en mariant le fuzz et le saz.

Un peu pointu, direz-vous. Et pourtant.

Redécouvert à la faveur de quelques compilations savoureuses parues au début des années 2000, le rock turc des années 60 et 70 est devenu, en 15 ans, l'une des musiques les plus prisées des hipsters et des archéologues du world beat. Des artistes très populaires en Turquie, comme Erkin Koray, Selda Bagčan ou Barıs Manço, font l'objet de rééditions remarquables, tandis que leurs disques s'écoulent à prix d'or sur le marché des collectionneurs de vinyles.

Hommage venu d'Amsterdam

Il était à prévoir qu'un jour ou l'autre, de jeunes musiciens s'empareraient de ces musiques venues d'un autre monde, en y ajoutant un peu de leur touche personnelle. On peut s'étonner, en revanche, que cet hommage émane d'Amsterdam, et non d'Istanbul.

Bassiste et leader de la formation, Jasper Verhulst n'y voit pour sa part rien de surprenant. Au contraire. Selon lui, ce projet de réhabilitation ne pouvait venir que de l'extérieur, puisqu'il nécessitait une certaine distance.

«Les jeunes Turcs assimilent cette musique à la musique de leurs parents. Alors que pour nous, c'est un truc totalement frais», explique Jasper Verhulst, bassiste et leader du groupe Altın Gün.

Altın Gün est né il y a moins de deux ans. Quatre de ses membres sont occidentaux. Sa chanteuse Merve Dasdemir et son joueur de saz, Erdinc Yildiz Ecevit, tous deux turcophones, se sont joints au groupe après avoir répondu à une petite annonce sur Facebook. «Ils ont été les premiers à passer l'audition, ils sont restés», dit le leader du groupe, joint par téléphone à Amsterdam.

Depuis, la formation ne cesse de faire des flammèches. Performance remarquée aux Trans Musicales de Rennes en décembre, concerts à guichets fermés à Istanbul, puis un premier album, lancé au mois de mars, l'ont imposée, tant dans le circuit rock qu'auprès des amateurs de grooves sans frontières.

«Rejoindre de nouvelles oreilles»

Jasper Verhulst admet avoir été surpris par ce succès. Mais il se dit aussi heureux de pouvoir renvoyer, par la musique, une image «plus positive» de la Turquie, un pays dont «les actualités parlent toujours en termes défavorables».

Selon lui, Altın Gün est toutefois loin d'être un véhicule politique. Même si sa formation incarne le métissage dans une Europe marquée par la montée du populisme et de l'extrême droite. Même si les Pays-Bas ont adopté, il y a moins d'une semaine, une loi interdisant le port du voile intégral, le bassiste ose croire que sa mission est celle d'un ambassadeur culturel et artistique.

«Le plus important pour moi est de pouvoir faire connaître cette musique aux gens qui n'y ont jamais été exposés, conclut-il. Elle est longtemps restée confinée à la Turquie. Mais depuis l'internet, elle se propage de plus en plus. C'est ce que nous voulons. Rejoindre de nouvelles oreilles.»

Les inspirations d'Altin Gün, selon Jasper Verhulst

Selda Bagčan

Chanteuse folk-rock des années 70 et inspiration importante d'Altın Gün. «Elle est culte. C'est par elle que j'ai découvert la psyché turque», affirme Jasper Verhulst.

Barıs Manço

Le monstre sacré du rock. «Tellement énorme qu'en Turquie, même des rues portent son nom», résume Jasper Verhulst.

Neset Ertas

Légende du saz et héros du folk anatolien. Altın Gün reprend un certain nombre de ses compositions.