Stephen Lee Bruner, 33 ans, est connu sous le pseudo Thundercat et fait partie de la famille élargie de ces heureux élus ayant émergé avec le succès du rappeur Kendrick Lamar ou du créateur électro Flying Lotus. En 2016, il a remporté un Grammy dans la catégorie meilleur Rap/Sung Performance pour son travail sur la chanson These Walls du fameux album To Pimp a Butterfly.

À titre de leader, il a lancé trois albums studio, dont Drunk, paru l'an dernier sous étiquette Brainfeeder. Sur scène, il se produit en trio avec les mêmes musiciens depuis quelques années déjà: Dennis Hamm aux claviers et Justin Brown à la batterie, des musiciens de haute virtuosité qui évoluent dans différents contextes à l'échelle internationale.

Thundercat s'estime béni d'avoir pu bénéficier des conditions propices à son éclosion créatrice et à sa brillante carrière.

«Dennis et Justin contribuent à me pousser plus loin, j'ose croire que je fais de même pour eux [rires]. L'évolution de ma musique, croit-il, est une affaire à long terme, et je suis très chanceux d'avoir pu travailler avec plusieurs musiciens qui oeuvrent tous à l'évolution de ce langage commun. Cette progression naturelle repose sur le travail et la curiosité.»

Pour Stephen Bruner, c'est aussi une question d'environnement. À Los Angeles, le bouillon de culture dont il est issu a été déterminant.

«C'est un échange, et c'est la même chose avec les collaborateurs extérieurs à ce noyau ; je pense à Kamasi Washington, à mon frère Ronald Jr., au pianiste Cameron Graves, à plusieurs autres. J'évolue avec ces musiciens depuis l'adolescence, nous continuons tous à apprendre.»

«Éviter les étiquettes»

Le mélange de pop, de R&B, de jazz, de funk et de hip-hop que propose Stephen Bruner est selon lui un continuum bien au-delà de ses genres constitutifs:

«J'essaie de ne pas nommer ma musique, les multiples inputs qui la constituent font partie d'un tout. J'essaie donc d'éviter les étiquettes et les raccourcis de marketing. Les artistes que j'admire, ceux qui font avancer les choses ne défendent pas une tradition ou un genre précis lorsqu'ils mélangent les genres. Miles Davis et Jimi Hendrix ne nommaient pas ce qu'ils étaient en train de faire lorsqu'ils ont mélangé le blues, le rock, le funk ou le jazz. Il leur importait d'aller plus loin, point barre.»

Au fait, avoir été associé à Kendrick Lamar est-il un avantage net ou une arme à double tranchant?

«Très bonne question! Vu le glamour de la chose, cela peut être très intense par moments, et il ne faut pas se laisser déconcentrer par les effets de cette popularité. Pour ma part, je suis associé à de nouvelles formes de musique parfois associées au jazz, je suis conscient que le jazz a connu un déclin de popularité et... je récolte un certain succès à cause de ma réputation dans le hip-hop.»

Alors? Cela suffit-il pour relancer le jazz en tant que tel?

«Vous savez, répond-il, on ne sait jamais ce que l'histoire nous réserve. Personne ne peut prédire les changements qualitatifs d'un style et les regains de popularité.»

Quoi qu'il advienne, Thundercat croit que toutes les musiques continuent de vivre si elles sont pratiquées, malgré leurs passages à vide.

«Lorsque les artistes les jouent, il finit toujours par se créer des musiques innovantes. Chaque jour, donc, il faut toucher et ressentir ces instruments de musique et la magie peut se produire à tout moment. On sait que l'histoire s'accélère, que tout va plus rapidement... et que la création musicale existe toujours. Et c'est pourquoi de nouvelles musiques ne cessent d'émerger.»

Technique et influences

Bien au-delà de la culture électro ou hip-hop, Thundercat est un musicien éduqué jazzistiquement. Sa technique de basse ne ment pas, ses connaissances harmoniques expriment un savoir certain, son chant de contre-ténor s'inscrit dans une tradition afro-américaine.

Parmi ses influences les plus importantes, il cite les superbassistes Stanley Clarke, Jaco Pastorius, Anthony Jackson, Miroslav Vitous, Paul Jackson, Charles Mingus, Ray Brown, Matthew Garrison, Hadrien Feraud, mais aussi des claviéristes comme Bernie Worrell. Inutile d'ajouter qu'il vénère Herbie Hancock.

Ce soir, le trio de Thundercat se produit en première partie du grand musicien. Il jubile: 

«C'est fantastique, une chance inouïe pour mon groupe! Et non, je ne sais pas si une rencontre se produira entre les deux parties du programme. Ces choses ne se planifient pas.»

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À la salle Wilfrid-Pelletier, à 19 h 30, en première partie de Herbie Hancock.