De retour à Montréal où elle a fait naître en elle l'excellente chanteuse jazzy folk qu'elle est devenue, Emma Frank défendait hier une oeuvre encore jeune, encore courte, encore discrètement exposée, ô combien substantielle.

L'équipe d'Emma Frank est ici remarquable, elle ne se trouve pas à ses côtés pour ses beaux yeux ou pour le cachet d'une soirée au Gesù : Jim Black, batterie, un des plus brillants dans la Grosse Pomme, Martin Helsop, contrebasse, Elias Stemeseder, piano, excellents musiciens de Brooklyn au service de cette parolière, compositrice et interprète de grand talent.

En février dernier, on avait souligné que la conceptrice d'Ocean Av, son plus récent album studio, se penchait sur la tension entre la plénitude souhaitée et son inévitable chaos avec lequel on doit composer dans toutes les sphères et compartiments de l'existence.

De lignée folk, de lignée post-hippie, mais aussi de lignée jazz, la musique subtile et aérienne d'Emma Frank est loin d'être vieillotte ou surannée comme on pourrait le penser après une écoute superficielle.

Ces airs apparemment délicats et candides s'entrelacent avec de très subtiles trajectoires mélodiques bien au-delà des limitations tonales normalement admises. Les harmonies ne sont pas celles du folk « normal » ; elles s'inspirent du jazz et des musiques classiques modernes. Les rythmes sont subtils, ponctués de changements insoupçonnés qui n'ont rien de platement binaire.

Chanteuse aux pieds nus, Emma Frank en est le lien intrinsèque. Elle en porte toute la substance, toute la tendresse, la profonde intériorité, la violence du calme. Vivement la suite de ce livre ouvert.