Le saxophoniste Ravi Coltrane bouclait la boucle samedi, au terme de trois concerts donnés au Gesù en trois soirs. Le dernier tiers de ce volet de la série Invitation fut certes très correct, mais ne passera pas à l'histoire. Jazz classique, un tantinet ronflant par moments.

À la décharge du musicien au nom célèbre, il faut dire que ses deux derniers concerts ont fait salle comble, ce qui ne fut pas toujours le cas au Gesù au cours du 38e FIJM. Vendredi soir, le saxophoniste se produisait en quartette, flanqué d'une section rythmique constituée du contrebassiste Dezron Douglas et du batteur E.J. Strickland, à laquelle s'est joint le guitariste Adam Rogers.

On a entendu notamment l'interprétation de la magnifique Swamini, composée pour la défunte mère de Ravi, Alice Coltrane, par la regrettée pianiste Geri Allen avec qui le souffleur avait travaillé maintes fois au cours de sa carrière - pièce qu'il a d'ailleurs offerte une seconde fois samedi, mais dans un contexte très différent.

Jeudi soir, le pianiste surdoué David Virelles lui avait donné la réplique, et on avait alors noté à certains moments que la fameuse sonorité du prophétique paternel pouvait émerger de son saxo ténor, étonnamment. Ravi Coltrane, en fait, n'a cessé de se bonifier avec le temps tout en assumant son patrimoine familial, surtout en tant que joueur, interprète et improvisateur. On ne peut toutefois le considérer comme un compositeur important, ni comme un directeur artistique visionnaire.

Pour le dessert, Ravi Coltrane proposait samedi le sextuor The Void, constitué de la même section rythmique que la veille, à laquelle se greffaient cette fois l'excellent tromboniste Robin Eubanks (longtemps membre du fameux quintette de Dave Holland), le trompettiste Jason Palmer (Roy Haynes, Phil Woods, Jack DeJohnette, etc.) ainsi que le pianiste Glenn Zaleski, un de ces descendants de Bill Evans pour la profondeur harmonique et l'élégance du phrasé.

Ainsi nous avions devant nous la continuation du jazz moderne, tel qu'on le connaît depuis plus d'un demi-siècle ; évocations hardbop, évocations modales, courtes séquences atonales, thèmes harmonisés à trois, solos, chorus, ponts, impros... et une finale toute (John) coltranienne, au grand plaisir de l'auditoire.

Le classicisme peut ainsi s'exprimer à travers des compositions neuves ou vieilles si elles s'inscrivent dans les paramètres établis lors de périodes antérieures. On avait évidemment affaire à des musiciens de niveau international, interprètes aguerris, improvisateurs chevronnés, mais rien de particulier sur le plan conceptuel.

On assistait à un concert où l'exécution suffisait amplement à combler les jazzophiles venus au rendez-vous. Esthétique éprouvée, maîtrise du langage, réformes rarissimes. Classique...