Riverside réunit le trompettiste Dave Douglas, le bassiste Steve Swallow, le saxophoniste et clarinettiste Chet Doxas et le batteur Jim Doxas. Enregistrés sous Greenleaf Music, soit l'étiquette indépendante que possède Douglas, deux albums sont nés de ce quartette canado-américain: un premier sans titre inspiré de Jimmy Giuffre, sorti en 2014, et un tout récent, The New National Anthem, qui comprend trois compositions originales de l'excentrique Carla Bley.

Sur scène, cependant, l'ensemble se transforme en quintette, accueillant la grande musicienne, arrangeuse, compositrice et claviériste. Dave Douglas et Chet Doxas racontent.

Comment l'ensemble Riverside est-il né?

Dave Douglas: «Je connais Chet Doxas depuis l'époque où j'enseignais sporadiquement au Banff Center; nous nous étions rencontrés là-bas. Les années ont passé, Chet a quitté Montréal pour s'installer à New York. Il m'a alors contacté afin de mener un projet autour du clarinettiste Jimmy Giuffre. J'avais déjà dans mes cartons plusieurs compositions inspirées de Jimmy Giuffre, aussi des transcriptions de certaines de ses oeuvres. Nous avions donc chacun un intérêt marqué pour ce très grand musicien. De plus, Chet a pris contact avec le bassiste Steve Swallow qui, comme on le sait, a joué pendant plusieurs années aux côtés de Jimmy Giuffre au Banff Center... J'avais aussi connu le frère de Chet, Jim Doxas. Ce groupe s'est donc constitué tout naturellement, et nous avons enregistré un premier album consacré à l'univers de Jimmy Giuffre. Et voici le second, The New National Anthem, enregistré aux studios du Humber College de Toronto, enregistré par Steve Bellamy comme ç'a été le cas pour le premier.»

Le deuxième album de Riverside inclut des compositions de Carla Bley; comment la musicienne est-elle devenue un sujet central de The New National Anthem?

Dave Douglas: «J'ai toujours aimé la musique de Carla Bley. Quelle grande musicienne! Étant la conjointe de Steve Swallow, elle avait eu accès à notre premier album, elle nous avait d'ailleurs formulé de très bons commentaires à ce titre. Puis elle a entendu ce deuxième où l'on joue quelques pièces de son cru. Elle était d'autant plus enthousiaste, ce qui ne me semble pas être un trait de caractère chez elle! [rires] Puisqu'elle était si positive, nous avons eu l'idée de l'inviter à se joindre à l'ensemble. Pince-sans-rire, elle a alors répondu:"Je ne suis pas une pianiste!" Et elle a finalement accepté. Nous adorons sa présence et son jeu! Bien entendu, ce groupe en devient un autre, et nous lui accordons tout l'espace nécessaire. Dans la même foulée, nous avons tenté d'adapter le répertoire de cet album (trois compositions de Carla, six de ma part, une de Chet et une de Steve), ce qui nous a menés à écrire de nouvelles pièces d'esprit similaire. Carla a aussi suggéré du nouveau matériel que nous allons jouer publiquement pour la première fois au Québec. Nous souhaitons poursuivre la démarche, d'autres concerts sont prévus l'automne prochain. Un enregistrement serait envisagé.»

Avez-vous composé dans l'esprit de Carla Bley?

Dave Douglas: «Je crois plutôt avoir composé en essayant de m'imaginer ce qui pourrait vraiment l'intéresser, la stimuler et l'amuser. Car cette artiste profondément originale recherche toujours quelque chose de différent. Lui plaire musicalement est un défi, donc. Vous savez, par ailleurs, que plusieurs de mes projets reposent sur une inspiration-clé, un déclencheur où je me penche sur un aspect ou un autre du langage jazzistique, sur une période spécifique de la tradition, ou encore sur le travail d'une grande artiste telle Mary Lou Williams. Je l'intègre alors à mon propre univers... un peu comme si Mary Lou Williams était vivante et composait de nouveau, mais dans le contexte de ma propre esthétique. À partir de ces déclencheurs, je m'applique ainsi à faire la démonstration artistique de leur pertinence. Cette façon de faire s'est approfondie au fil des ans, et l'on ne peut y voir un simple hommage comme il s'en fait si souvent dans le monde du jazz et d'autres styles musicaux.»

Que représente pour vous l'univers de Carla Bley?

Chet Doxas: «Nous adorons cette brume ludique enrobant la musique de Carla Bley. Ses compositions nous inspirent, car elles nous informent immanquablement sur le contexte réel de leur inspiration, en plus de nous nourrir musicalement. Par exemple, Carla réinvente des hymnes nationaux avec un recul, un clin d'oeil sur la réalité intégré à sa composition. Elle a une si grande expérience, elle a beaucoup à dire sur l'existence à travers sa musique. Elle nous nourrit également sur la manière de dire et d'interagir. Pour elle comme pour nous, le pourquoi et le comment de cette musique sont des préoccupations constantes. Carla est en mesure de distiller les éléments cruciaux de la musique, en faire ressortir l'essence. Quelques lignes suffisent pour créer de grands moments musicaux, la marque des meilleurs créateurs. Honnêteté, vulnérabilité, confiance... elle incarne tout ça. Et c'est formidable de participer aux tableaux qu'elle peint. J'apprends beaucoup.»

En terminant, comment se vit la vie à New York pour un musicien montréalais?

Chet Doxas: «J'y suis installé depuis trois ans avec ma famille. J'y avais déjà passé un moment et j'étais rentré à Montréal. Ma famille et moi avons finalement eu la possibilité de nous y installer, plus précisément à Carroll Gardens, près de Brooklyn Heights. Ma femme y pratique la médecine, nous y sommes très heureux. J'ai pu finalement faire le saut, car j'avais déjà le passeport américain, puisque ma mère avait la nationalité. Depuis que je suis adolescent, je rêve de mener ma carrière de musicien à New York. Je suis impliqué dans plusieurs projets, dont un quartette impliquant la musique électronique, inspirée de tableaux peints entre 1975 et 1985 dans le Lower East Side. J'ai écrit la musique en m'asseyant devant ces tableaux exposés dans différents musées. Ainsi, les images seront projetées sur scène pendant que mon ensemble jouera les musiques qui s'en inspirent. Nous comptons d'ailleurs présenter ce projet à Montréal en septembre prochain.»

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Ce soir, 20 h, au Monument-National.