Il faut écouter ses deux albums pour en faire le constat: réalisés par Marco Bucelli, Magic Trix (2013, Everlasting Records) et Black Terry Cat (2016, Epitaph) figurent assurément parmi les propositions les plus intéressantes au programme du Festival international de jazz de Montréal.

Xenia Rubinos est chanteuse, parolière, compositrice, multi-instrumentiste, fin seule dans une catégorie qui n'en est pas une. D'origine cubaine et portoricaine, la résidante de Brooklyn a grandi à Hartford, au Connecticut. Adolescente, elle a rêvé de devenir chanteuse de jazz, a mené des études au Berklee School of Music (Boston) et puis...

Cette performeuse flamboyante peut compter sur une vaste culture: musiques latines, jazz, électro, soul, funk, R&B, hip-hop, punk rock, bachata, salsa, musiques classique et contemporaine, bref une grande diversité de sources où elle s'abreuve pour ainsi créer l'incomparable.

Une petite demi-heure au téléphone permet de constater sa grande intelligence, son indépendance d'esprit, aussi son humilité et le fait que... tous les espoirs sont permis pour Xenia Rubinos, déjà une voix marquante de la musique émergente aux États-Unis.

La composition avant le style

L'explication sommaire de son approche créatrice permet d'en bien saisir la vision. Prenons d'abord la méthodologie de création.

«Je commence par improviser des lignes mélodiques en chantant ou en m'accompagnant à la basse ou au clavier, sans prétendre à une grande maîtrise technique instrumentale; le chant est ce que je fais le mieux. Des concepts rythmiques peuvent aussi émerger de ces improvisations. J'observe alors ce qui est récurrent, je me penche sur une structure, la pièce prend forme.»

«J'aime beaucoup la composition, j'aime trouver des manières inhabituelles de construire des pièces ou des chansons.»

Pour elle, les considérations de style sont secondaires.

«Je ne pose aucune limite stylistique ou conceptuelle, sauf, bien sûr, mes propres limites techniques. Je n'aime pas songer aux genres musicaux lorsque je crée. Limitatif, peu stimulant, inutile, ennuyeux. J'aime toutefois étudier la composition à travers différentes façons de parvenir à mes fins. Les écoutes du moment peuvent aussi influencer ma création. Lorsque j'ai fait l'album Black Terry Cat, par exemple, j'écoutais du R&B, du soul, du funk, Sly & the Family Stone, Sharon Jones et les Daptones, Chaka Khan, Erykah Badu, aussi le jazz de Charles Mingus ou d'Abbey Lincoln.»

Il fut un temps où le jazz était l'objectif principal de Xenia Rubinos, avant qu'elle opte pour un profil beaucoup plus éclaté.

ÉTUDIANTE REBELLE

« Devenir chanteuse de jazz était pour moi très important et... je devins progressivement très frustrée par mes études, car je n'y sentais pas la motivation de reprendre exactement cette tradition. Les programmes d'éducation consistent à nous faire imiter les grandes chanteuses ; on nous pousse peu à trouver notre propre voix. Je ne voulais surtout pas ressembler à mes modèles. Y parvenir n'était en rien un but. Erykah Badu se suffit à elle-même, rien ne sert de faire comme elle. »

Cela dit, Xenia Rubinos dit vouer le plus grand respect à la tradition du chant jazzistique.

«J'adore le jazz, j'en écoute beaucoup, mais je ne me considère pas moi-même comme une artiste de jazz. J'admets aussi que d'autres artistes aiment être directement liés à une tradition et la raviver. Ce n'est pas mon cas. J'ai le sentiment de ne pouvoir ajouter quoi que ce soit à cette tradition. Je préfère ouvrir ma propre voie.»

Ainsi, l'étudiante rebelle a rejeté le jazz pendant un moment, pour alors absorber une pléthore de musiques. Inutile d'ajouter que les considérations stylistiques importaient peu, que sa musique pouvait témoigner de toutes les musiques qui la séduisaient. «Un tournant dans ma vie lorsque je l'ai réalisé.»

Bienvenue dans le virage de Xenia Rubinos.

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À L'Astral, ce soir, 21 h. Xenia Rubinos se produira avec Marco Bucelli (batterie, électronique) et Jack Hill (basse, synthés).