À peine diplômé du Berklee College of Music, il s'était déjà taillé une réputation de virtuose, de leader d'ensemble et de visionnaire. Une douzaine d'années plus tard, le trompettiste néo-orléanais a ajouté à son nom de famille une connotation «afro-universelle» bien sentie. Ainsi, Christian Scott aTunde Adjuah ne passe jamais inaperçu.

Très loquace, fringué comme pas un, de surcroît très intelligent, ce flamboyant trentenaire bataille ferme pour demeurer dans le peloton de tête et exprimer son ouverture globale.

Voilà qui justifie la tenue de trois concerts en trois jours au Gesù, dans le cadre de la prestigieuse série Invitation. «Nous allons passer une semaine captivante à Montréal!» s'exclame-t-il, joint en Californie il y a quelques jours.

«Le premier soir est consacré exclusivement à la musique de mon ensemble. Le lendemain, le guitariste Charlie Hunter, dont je suis super fan, s'intégrera à notre groupe et à notre musique. Le troisième soir sera différent avec Lizz Wright, une chanteuse que j'adore; nous partagerons nos répertoires respectifs. Bien sûr, mon ensemble s'appliquera à mettre en valeur sa voix extraordinaire», annonce Christian Scott.

Idéal de cohabitation

La discographie du trompettiste compte huit albums studio à titre de leader ou coleader, deux enregistrements publics et même une application interactive liée à son dernier opus, Stretch Music.

Porté par une grande diversité d'influences musicales - groove, hip-hop, musiques contemporaines occidentales, traditions africaines, etc. -, Christian Scott demeure respectueux des caractéristiques fondamentales du jazz : improvisation, choix harmoniques, polyrythmes, instrumentation, etc. Il n'en poursuit pas moins une authentique quête formelle.

Outre les références stylistiques, la dimension relationnelle est au centre de son approche.

«La créativité artistique surgit lorsque les relations humaines sont de grande qualité. Ce qui me rend heureux, c'est de voir mes amis jouer magnifiquement et de voir le public réagir de la même façon.»

Cette propension de l'Afro-Américain au rôle d'entremetteur et de catalyseur remonte à ses premiers apprentissages à La Nouvelle-Orléans.

«J'ai grandi dans un secteur difficile de cette ville [l'Upper 9th Ward]: pauvre, en proie à la ségrégation raciale et au gangstérisme. Adolescent, je souhaitais que ma musique puisse refléter mon sentiment sur la manière dont j'étais traité par la société et... les choses ont évolué. Au fil de mes études et expériences professionnelles, j'ai fait la rencontre d'êtres humains de différentes conditions et origines; mes évocations artistiques ont alors migré vers un idéal de cohabitation.»

Donner au suivant

L'an dernier, le trompettiste se produisait à l'Upstairs avec une toute nouvelle formation qui ressemble en bonne partie à celle qui l'accompagnera cette semaine. Le même cycle se poursuit...

«Je suis en transition pour rajeunir mon groupe principal, qui devra s'adapter à différents projets. Je m'applique désormais à développer le talent de plus jeunes musiciens, à leur donner les moyens de prendre leur destinée en main. Je pense entre autres à l'excellente flûtiste Elena Pinderhughes et à son frère aîné Samora, pianiste magnifique, tous deux au début de la vingtaine», explique Christian Scott.

Sa pépinière de talents incite ses recrues à l'innovation. «Entre les meilleures formations associées au jazz, les contrastes d'aujourd'hui sont plus prononcés qu'ils ne le furent jadis, fait remarquer le leader. À l'ère de l'internet, nous sommes enclins à brasser beaucoup plus d'influences musicales tout en restant pertinents en tant que musiciens de jazz.»

Ainsi, Christian Scott aTunde Adjuah croit que la nouvelle génération de musiciens associés à l'idiome jazzistique est moins encline à la hiérarchie des genres que celle l'ayant précédée.

«Dans les années 80, ce néo-classicisme jazz a produit des musiciens extraordinaires, mais aussi posé des barrières stylistiques. Je m'applique plutôt à défendre l'égalité des genres.»

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Au Gesù ce soir, demain et samedi, 18 h.