Tout au long du Festival de jazz, notre journaliste parcourt les différentes scènes et nous offre un compte rendu des spectacles qui ont retenu son attention.

Gregory Porter: beaucoup plus qu'un gentil géant

Gregory Porter ne remplirait pas le Théâtre Maisonneuve comme il l'a fait hier sans l'afflux de touristes étrangers, surtout américains, venus l'entendre le premier soir du 37e Festival international de jazz de Montréal. Pourtant, le chanteur afro-californien est une star confirmée auprès du grand public sur ce continent, auditoire «adulte» qui fréquente le jazz dans ses configurations les plus accessibles, dans ses référents les mieux intégrés.

À n'en point douter, ce colosse sait occuper la scène, fort d'une expérience concluante en comédie musicale au début de sa carrière, It Ain't Nothin' But the Blues, propulsion après laquelle il a fait dans le jazz vocal avec quatre albums consécutifs - Water, Be Good, Liquid Spirit et le récent Take Me To The Alley.

Devant ce public gagné d'avance, Gregory Porter a su faire la démonstration de son talent: superbe timbre, puissance à revendre, phrasé personnel, ornements de scat, ce magnétisme des gentils géants et, bien sûr, cette capine proverbiale qu'il porterait dans les pires chaleurs sahariennes - au départ utilisée pour le protéger au terme d'une chirurgie, la capine serait devenue pour lui une marque de commerce.

Quelques chansons suffisent pour réaliser le talent et l'autorité de Gregory Porter, assisté d'un quartette compétent avec lequel il fait corps dans ses envolées jazzy soul, bluesy et gospelisantes.

Alors... on s'explique mal que le lauréat du prix Ella-Fitzgerald 2016, diffusé hier en direct sur la chaîne Mezzo, ne soit pas encore adopté par une part importante des jazzophiles québécois.

Il était précédé par un duo guitare-voix, sorte d'urban folk que préconise la chanteuse Jaime Wood. Voix claire et juste, belle projection, peu de vibrato, projection moyenne, tessiture de soprano, inflexions typiques de la voix afro-américaine. Joli, de bon goût, élégant et... rien de transcendant, pour l'instant du moins.

Pilc, Hoenig, Moutin et cie... le diable est à l'Upstairs!

Assurément l'un des pianistes les plus accomplis du jazz français, transplanté en Amérique depuis le milieu des années 90, Jean-Michel Pilc vit désormais à Montréal depuis qu'il a décroché un poste d'enseignant à l'Université McGill.

Excellente perspective pour le jazz local, car Pilc peut régulièrement inviter chez nous ses amis new-yorkais ou parisiens et, souhaitons-le, devenir l'entremetteur de plusieurs rencontres artistiques entre le jazz d'ici et d'ailleurs. Ainsi, nous avions hier le luxe de voir le jazzman s'éclater sur différents standards (de Giant Steps à La vie en rose en passant par Bye Bye Blackbird) dans l'intimité de l'Upstairs, et ce avec d'éminents compagnons: le maître batteur Ari Hoenig, les saxophonistes Joel Frahm et Jacques Schwartz-Bart, sans compter le grand contrebassiste François Moutin, sideman de longue date de Jean-Michel Pilc.

Et voilà devant nous un superbe amalgame franco-américano-guadeloupéen, réuni sous la bannière Total Madness! Thématique bien choisie car Pilc n'est pas du genre elliptique sur les ivoires... Vraiment pas inhibé! Ses fans savent qu'il adore farcir les oreilles de judicieuses infos musicales, et c'est ce qu'il a fait encore hier avec ses potes endiablés. Et c'est ce qu'il fera de nouveau ce soir, cette fois en trio avec cette section rythmique idéale constituée de François Moutin et d'Ari Hoenig.