Le personnage a atteint sa pleine maturité, les fans présents samedi soir au Métropolis en sont témoins. À 31 ans, Annie Clark assume St.Vincent. Totalement!

Plus cérébrale, plus secrète, plus pudique, plus froide d'entrée de jeu, cette femme s'est transformée au fil de ses cinq albums parus depuis 2007. D'une approche axée sur la singularité du jeu de guitare, sur des arrangements et structures chansonnières atypiques, St.Vincent vient de passer au mode rock star sans négliger ses acquis pour autant. Du concert brillant, elle est passée au spectacle complet.

On a applaudi ses chansons brillamment construites, ses arrangements anguleux, son talent de guitar héroïne, ses relations professionnelles - Sufjan Stevens pour qui elle a joué, David Byrne avec qui elle a enregistré et tourné, on se souvient du superbe concert donné au festival Pop Montréal il y a deux ans. On applaudit désormais la femme de scène, l'artiste incarnée.

Paru l'hiver dernier, son nouvel album solo (sans titre) a légèrement simplifié la donne, émondé une part de complexité pour gagner en efficacité et ainsi faire exploser dans le moteur un très puissant carburant électro-rock. Le résultat est d'autant plus abrasif devant public, force était de constater au Métropolis.

À l'évidence, Annie Clark a pris possession de tout son corps pour ainsi achever la construction du personnage St.Vincent, bête redoutable qu'elle n'était pas jusqu'alors. Mouvements chorégraphiés de concert avec sa très douée collègue Toko Yasuda, poses évocatrices sur le mobilier de scène, gestes sensuels et gracieux, déclamations poétiques, look futuriste et sexy, personnage plus affirmé que jamais.

Devant un parterre galvanisé, la voix magnifique de la chanteuse émerge d'un magma de sons incandescents que produisent des guitares (Annie Clark, surtout, et Toko Yasuda qui joue également les claviers), machines/claviers (Daniel Mintseris) et percussions (Matt Johnson). Jamais un groupe sous sa gouverne n'a atteint cette cohésion en temps réel. 

Qui plus est, l'énergie de la scène et l'audace des orchestrations adaptées à ce quartette de puissance bonifient les chansons du dernier album qui en constituent la matière principale (Rattlesnake, Digital Witness, Every Tear Disappears, I Prefer Your Love, Prince Johnny, Regret, Huey Newton, Bring Me Your Loves...), sans compter les autres plus anciennes (Cruel, Surgeon, Cheerleader, Strange Mercy, Your Lips Are Red, etc.). 

Ainsi, la légère déception ressentie à l'écoute du cinquième opus a été éclipsée par cette performance lumineuse, quoiqu'un peu courte (moins de 90 minutes). L'éruption bruitiste de la finale n'en a pas moins marqué l'imaginaire.

Magnifique St.Vincent!