Gianmaria Testa ne se produit plus en solo dans son Europe natale. C'est pourtant ce qu'il propose au public montréalais, trois soirs plutôt qu'un. Explications.

Gianmaria Testa a donné des dizaines et des dizaines de concerts seul avec sa guitare et la formule a fini par le vider complètement. «Le solo bouffe tellement d'énergie. Tu commences le concert en te disant qu'aucune faute n'est possible, que tu dois être presque parfait», dit-il au téléphone.

Pourtant, l'artiste piémontais avait le goût de tenter à nouveau l'expérience comme si la mise à nu que lui imposera cette série Invitation au Gesù lui permettra d'aller un peu à contre-courant dans «un festival parmi les plus grands au monde». Un cadeau pour Montréal alors? «Oh, faut pas exagérer... Mais pour moi, ce sera sûrement un cadeau, le fait de revenir à Montréal, d'y rester trois jours et de revoir de bons amis.»

Ne vous y trompez pas, Testa adore l'approche solo dans laquelle aucun mensonge ni aucune tricherie ne sont possibles. «C'est comme un vrai monologue sans rien ajouter. Il ne reste que l'essentiel: les chansons et le contact, le rapport avec les gens.»

Cette relation étroite avec le public, peu d'artistes savent l'établir comme Gianmaria Testa, qui chante en italien, mais situe en français chacune de ses chansons pour le public. Pas étonnant qu'au Théâtre Maisonneuve, il y a deux ans, ce public le suivait dans ses envolées électriques, puis se recueillait pendant les chansons plus douces.

Testa sait que l'intimité du Gesù se prête parfaitement à sa nouvelle proposition: «Je trouve qu'au Québec, il y a un rapport à la chanson, une attention vis-à-vis de ce qui se passe sur scène qui est semblable à ce qu'on observe aux concerts de musique classique dans certains théâtres autrichiens ou allemands. Mais en plus, on y sent presque la même chaleur que quand on joue à Naples. J'ai l'impression que les gens participent avec moi alors que je chante en italien. C'est comme un miracle.»

Gianmaria Testa aura avec lui une liste de 30 ou 40 chansons au cas où sa mémoire lui jouerait des tours et qu'il en oublierait une qu'il tient à chanter. «Mais je vais rentrer sur scène en sachant seulement quelles sont les deux premières chansons que je vais chanter, dit-il. Par la suite, en solo, il s'installe une espèce de courbe émotive que je vais suivre. Je vais donc totalement improviser la suite des choses. La seule chose dont je suis certain, c'est qu'il n'y aura pas un concert pareil à l'autre.»

La peur de l'avenir

Gianmaria Testa a toujours été un artiste engagé, lui qui, avec son ami écrivain et fréquent collaborateur Erri de Luca, rêvait de changer le monde dans les années 70. Lors de son concert au Festival de jazz de 2012, il portait le carré rouge et son ami Philippe Garcia jouait de la casserole.

La montée de la droite aux récentes élections européennes l'inquiète évidemment même si, pour une fois, il trouve que l'Italie est en meilleure posture que ses voisins à ce chapitre. L'Europe unifiée, en laquelle il croit profondément, n'est pas sortie du bois. La devise unique, c'est bien beau, dit-il, mais quand l'écart des salaires entre l'Allemagne et l'Italie d'une part ainsi qu'entre l'Italie et les pays de l'Est incite les usines à se déplacer là où ça coûte moins cher, ça cause de réels problèmes. Tétanisés par la peur face à la crise économique et l'immigration, les Européens se laissent parfois séduire par des propos démagogiques.

«Il n'y a pas de solution rapide et facile à de très grands problèmes, dit Testa. Le chemin vers le progrès est très long et le chemin vers le progrès social l'est encore plus. Il n'est pas fait de démagogie, mais d'intelligence et de culture.»

Testa sait surtout qu'il ne faut pas démissionner. C'est justement pour ça, dit-il, qu'il travaille présentement à un nouveau disque autour du mot terre. «La terre qu'on travaille - je suis né dans une famille d'agriculteurs -, mais aussi la planète Terre qu'on est en train de gaspiller dans tous les sens, explique-t-il. Un jeune n'arrive pas à imaginer ce que ça va être, le monde, dans 10 ou 15 ans, s'il sera totalement pollué, s'il y aura encore du pétrole... Les gens sont persuadés que l'avenir va être pire que le présent alors que pour nous, c'était le contraire. Ça nous permettait de vivre le présent de manière plus sereine. En Italie, les crimes de toutes sortes ont baissé de manière assez considérable, pourtant les gens sont persuadés qu'il n'y en a jamais eu autant. C'est la perception d'un monde qui est incapable d'un futur.»

Gianmaria Testa a écrit plusieurs chansons pour ce disque en devenir. «Mais j'en ai jeté plusieurs à l'eau, ajoute-t-il aussitôt. Pour l'instant, j'en ai gardé une seule qui, dans mon esprit, va être la dernière du disque. Je ne l'ai chantée nulle part, mais je vais sûrement la chanter à Montréal. Le titre est un peu triste: Povero Tempo Nostro

Au Gesù, vendredi soir, samedi et dimanche, 18h.