Brad Mehldau jouit d'une réputation tellement béton, son aura a un tel éclat qu'une performance plutôt moyenne de sa part peut soulever ses fans. Trois rappels, foule survoltée à la Maison symphonique, ravissement en majorité absolue. On respecte ça et on n'en pense pas moins.

Non seulement n'a-ton rien appris de ce pianiste qu'on aime tant, mais encore a-t-on pu s'étonner d'un concert solo aussi horizontal, avec si peu de relief.

Fidèle à son approche, Mehldau a construit ce concert solo sur un cycle de chansons triées sur le volet. À ce titre, le pianiste a très bon goût, ses choix de reprises sont généralement excellents, voyez le programme de mardi :

Old West tirée de son album Highway Rider. Cycle lent avec pas d'titre (...) et avec de légères et belles montées d'intensité. Bluegrass réharmonisé, légèrement jazzifié, nommé St.Anne's Reel. Martha de Tom Waits, ballade poignante, coiffée d'une improvisation limpide dans le contexte. Puis une reprise indie folk de Sufjan Stevens, Holland. Blues très jazzy de Bobby Timmons, This Here. On termine le cycle avant les rappels par une jazzification de Bob Dylan, Don't Think Twice It's All Right.

Les impros les plus audacieuses et les vraies pointes de virtuosité ne viendront qu'aux rappels, assez brièvement. En ce mardi soir, la séduction se passait ailleurs, il faut croire. Dans le choix des chansons et des mélodies qui s'y rattachent. Dans l'esthétique moderne,  néanmoins très digeste du jeu pianistique  - romantique, impressionniste, jazz, assorti de quelques dissonances et de rares effets atonaux. Dans l'élégance de la présentation, la générosité des rappels, le respect et la courtoisie que Brad Mehldau manifeste à ce public qu'il a brillamment conquis - surtout dans cet «art du trio» où il excelle.

En solo, cependant...