Tournées à La Nouvelle-Orléans, en Inde du Nord (Varanasi et Calcutta) et en Martinique, les images de Nola Chérie, Indiamore et Big Sun sont prétextes à une exploration audiovisuelle hors du commun. Les éléments sonores et visuels de ces films deviennent matière interactive, propices à la composition d'oeuvres musicales et d'environnements immersifs signés Christophe Chassol.

Pour le compositeur, arrangeur, claviériste et artiste multimédia, «ces films sont des musiciens de l'orchestre».

L'an dernier, au Musée d'art contemporain, la production Indiamore avait récolté d'excellents commentaires. À un point tel que l'équipe de programmation du FIJM amorçait alors une relation soutenue avec Christophe Chassol, son concepteur parisien d'origine martiniquaise. Ainsi, Big Sun s'amène cette semaine à Montréal.

Avant d'accéder à la création professionnelle, notre interviewé a reçu une formation de conservatoire français, puis a été boursier du Berklee School of Music à Boston. Éducation de haute volée, mais... «Ce n'est pas là que j'ai vraiment appris à composer. C'est plutôt en écoutant les disques, en acceptant des commandes d'oeuvres. C'est bien d'aller à l'école, néanmoins. [...] La composition ne s'apprend pas, mais l'arrangement et l'orchestration, oui. C'est toujours très utile de connaître les bases.»

Connaître les bases pour ensuite tracer son chemin en toute liberté. Christophe Chassol a composé des musiques de film, collaboré aux musiques de Sébastien Tellier, Keren Ann et autres Phoenix. Ligues majeures de la pop française et plus encore: il vient de travailler sur huit chansons du prochain album d'un certain Frank Ocean!

Quant à la pratique multimédia de Chassol, elle est au centre d'une oeuvre encore jeune.

«Ces trois premiers films-spectacles constituent une sorte de trilogie. Le premier film portait sur La Nouvelle-Orléans, s'inspirait de ses fanfares (mon père en dirigeait, ça m'était déjà devenu familier), de ses gens, de la vie qui y règne. Parce que ma mère créole a du sang indien, j'ai ensuite eu envie d'aller tourner en Inde. Et, l'hiver dernier, ce fut la Martinique, d'où mes parents proviennent. Nous y avons filmé le carnaval, la langue créole, ses intervalles, la musique des mots.»

Harmonisation du discours

Dans tous les concepts audiovisuels de Chassol, une des pratiques importantes est «l'harmonisation du discours», c'est-à-dire la composition inspirée de la langue parlée. Les mélomanes québécois se sont familiarisés avec cette pratique initiée au Québec en 1989 par le guitariste et compositeur René Lussier avec son fameux Trésor de la Langue.

«Je connais son travail, mais c'est d'abord Hermeto Pascoal (Festa dos Deuses en 1992) et Steve Reich (Different Trains en 1988) qui m'ont donné l'envie.»

Pour sa part, Christophe Chassol l'intègre dans un vaste concept audiovisuel où tous les éléments sonores de ses films deviennent matière à composition et à interaction.

«Je pars avec une petite équipe, puis on se faufile, on prend des rendez-vous, on filme. Je me retrouve chez moi avec tout ce matériel, après quoi je monte le film qui servira de trame. Le film est destiné à être joué sur scène avec des musiciens. Cette fois, à Montréal, je travaillerai avec le batteur américain Jamire Williams. Le groupe, c'est lui à la batterie, moi aux claviers et le film avec les gens qui s'y trouvent. Le film est le troisième musicien, en fait.»

Trio d'un troisième type, aurons-nous saisi.

Big Sun, de Christophe Chassol, est présentée mercredi et jeudi, 20h, au Musée d'art contemporain.