Une quinzaine de morts par balles, des combats au couteau ou avec des sabres de samouraï. Une gorge et une oreille tranchées, un truand émasculé et, en rafales aussi, tous les mauvais mots de quatre lettres que compte la langue anglaise.

Le 35e Festival international de jazz s'est ouvert hier dans une flambée de violence qui serait d'une incommensurable banalité si elle n'était portée au rang d'objet esthétique par la musique des films de Quentin Tarantino.

Rassemblées en un spectacle de cabaret nouveau genre, ces chansons des années 60 et 70 (Q.T. avait 16 ans en 1979) transcendent tous les mauvais côtés de l'homme, de la femme aussi, dans Tarantino in Concert, présenté à la Cinquième Salle de la Place des Arts jusqu'à dimanche.

Les morts jonchent la scène, mais on n'en a que pour Joanna A. Jones, une bombe de 40 kg qui nous cloue à notre fauteuil avec If love is a red dress (Hang me in rags) de la trame sonore de Pulp Fiction.

À un rythme que, par crainte du cliché, on hésite à qualifier d'effréné, les 10 comédiens et chanteurs de la troupe For the Record de Los Angeles se promènent, en une trentaine de scènes et autant de chansons, d'une film-culte de Tarantino à un autre. Il ne faut pas y chercher d'autre sens que celui du spectacle... Reservoir Dogs, Pulp Fiction, Jackie Brown, Inglourious Basterds, Django Unchained. Death Proof aussi, dont la «danse à 20» sur Down in Mexico est quelque chose à voir...

Peu de noms connus pour qui ne regarde pas la télé américaine mais voici Rumer Willis, la fille de Demi Moore et Bruce Willis, qui a joué dans Pulp Fiction justement. Vêtue d'une robe de mariée, la jeune dame aux cheveux rouges, bonne comédienne par ailleurs, livre une magnifique interprétation de Bang! Bang! qui pourrait être la chanson-titre de ce show on ne peut plus américain.

Belles voix d'hommes aussi desquelles ressort le soul de Reign Morton, showman total au débit aussi rapide que la gâchette. Harmoniquement, la troupe atteint de vibrants sommets dans Django, Goodnight Moon, A Satisfied Mind et, surtout, Freedom de Django Unchained, sorti tout droit des champs de coton du Deep South. Frissons.

Au piano, le coconcepteur de la série For the Record, Christopher Lloyd Britten, dirige un orchestre de six musiciens, impeccables de précision dans les centaines de reprises d'une feuille de route exigeante au possible.

Les fidèles de Tarantino - ils emplissaient la place hier -, voire les simples fans, ne penseront même pas à rater ce rendez-vous. Les autres qui, comme nous, ne peuvent mettre un titre sur telle ou scène «de culte» iront pour la musique. Pour voir la musique triompher de la violence et de la mort et sortir de la Cinquième Salle, où ça tire de partout, sans une égratignure.