Depuis le temps que le Festival de jazz tente de convaincre Rufus Wainwright de donner une série de concerts au Théâtre du Nouveau Monde, cette fois le timing était parfait: Rufus se produit en solo depuis une bonne année et il estime que le TNM est la salle idéale pour un concert intime.

Comme à l'église Saint-Jean-Baptiste en octobre 2012, c'est Lucy Wainwright Roche qui va chanter en lever de rideau avant d'aller rejoindre son demi-frère à l'occasion en deuxième partie de programme. «Comme c'est à Montréal, il y aura sûrement d'autres rencontres familiales», prédit Rufus sans risque de se tromper.

Les fans montréalais de Rufus savent à peu près tout de sa défunte mère Kate McGarrigle et du duo qu'elle formait avec sa soeur Anna et ils ont souvent applaudi la soeur de Rufus, l'intense Martha Wainwright. Mais l'autre branche musicale de la famille est moins connue.

Lucy Wainwright Roche a de qui tenir, elle aussi. Papa Loudon Wainwright III fait carrière comme auteur-compositeur-interprète depuis des décennies et sa deuxième femme, Suzzy Roche, fait partie des Roches, un trio folk de soeurs reconnu aux États-Unis depuis les années 70.

«Lucy a d'abord été enseignante et elle avait l'intention de mener ce style de vie un peu plus traditionnel, mais elle n'a pu résister à l'attrait du rideau, des projecteurs et des applaudissements et elle a foncé, raconte Rufus. Elle est très différente de Martha, qui tient plus de la vedette de cinéma, du sexe-symbole et de la séductrice explosive. Lucy est davantage la fille d'à côté, mais elle a réussi à créer son propre personnage et je suis content qu'elle y soit parvenue.»

Rufus a été élevé par sa mère Kate qui lui a fait entendre toutes sortes de musiques, du folk à l'opéra en passant par les comédies musicales de Broadway. Même s'il n'était pas aussi proche de son père Loudon, avec lequel il a eu des affrontements mémorables, il dit quand même tenir de lui son ardeur au travail.

«Ma mère avait un talent incroyable, c'était une musicienne accomplie et une grande romantique, mais elle était extrêmement paresseuse, dit Rufus en pouffant de rire. Les McGarrigle partaient très rarement en tournée et faisaient peu d'albums, tandis que mon père a enregistré plus de 30 albums et donnait au moins 100 spectacles par année. Je pense que Martha et moi, Lucy également, avons hérité de cette attitude quasi militaire.»

Rufus est très proche de sa tante Sloan Wainwright, qui mêle avec bonheur le folk, le jazz, le blues et le rock: «Ma mère l'a un peu adoptée comme si c'était sa fille parce qu'elle est pas mal plus jeune que mon père. J'ai donc grandi avec Sloan. C'est peut-être la chanteuse la plus incroyable du clan.»

Une chorale pour Hallelujah

Depuis quelques semaines, Rufus fait une campagne en ligne pour financer l'enregistrement de son premier opéra, Prima Donna. L'objectif fixé à un peu plus de 200 000$ a été dépassé. Rufus confirme que Prima Donna sera enregistré en janvier 2015, mais, prudent, il rappelle que cette nouvelle forme de campagne de financement comporte une part d'inconnu et qu'il ne sait pas encore exactement combien coûtera ledit enregistrement. De toute façon, s'il y a surplus, il sera versé à la Fondation Kate-McGarrigle.

Pour stimuler les mises, Rufus a proposé des lots originaux, dont un dîner en sa compagnie à la suite duquel il écrira une chanson sur le ou la convive. Il a également offert à ses fans la possibilité de venir chanter sur scène avec lui Hallelujah de Leonard Cohen.

«Je dois admettre qu'on aurait pu attirer plus de participants à Montréal, mais je suis certain qu'il y en a qui vont s'ajouter à la dernière minute, comme le veut la tradition québécoise: on vient tous à la fête, mais on arrive un peu en retard, dit-il dans un rire nasillard. Ma relation avec Montréal a toujours été intéressante. Comme dans n'importe quelle ville où tu as grandi, les gens t'adorent, mais ils se disent qu'ils te connaissaient quand tu n'étais qu'un garçon normal, donc tu n'as pas à être une célébrité. Ça peut être agaçant, mais c'est probablement sain.»

Rufus travaille également à son prochain opéra, Hadrian, qui sera créé à Toronto en 2018. Contrairement au livret de Prima Donna, que Rufus avait écrit avec sa collaboratrice Bernadette Colomine, celui de Hadrian, inspiré des amours de l'empereur romain Hadrien et du jeune Antinoüs, a été confié à l'homme de théâtre canadien Daniel MacIvor.

«Daniel est passionné par le projet et il est très conscient de ce qu'il peut apporter grâce à sa connaissance du théâtre, dit Rufus. Dans Prima Donna, la contribution de Bernadette a été importante et nécessaire et je pense que ce sera pareil pour Hadrian: je vais avoir le dernier mot mais, avec Daniel MacIvor, je vais devoir me battre un peu plus...»

Rufus reconnaît qu'aujourd'hui, c'est l'opéra qui constitue pour lui le défi le plus stimulant.

Mais il n'oublie pas pour autant quel est son gagne-pain principal. «J'écris des chansons et je suis une pop star, dit-il en riant. J'ai toujours 8000 nouvelles chansons au feu que je tourne comme des crêpes. Je vais en jouer quelques-unes à Montréal.»

Parmi celles-ci, il y aura bien sûr Me and Liza, découverte sur sa récente compilation, et qui lui a été inspirée par une rebuffade de Liza Minnelli qui disait n'avoir aucun intérêt à voir le spectacle que Rufus a consacré à sa mère Judy Garland.

«Je vais la chanter, mais je n'en dis pas plus. Vous allez avoir une surprise.»

En solo au Théâtre du Nouveau Monde, les 27, 28 et 29 juin.