Le premier volet de la série Invitation du Festival international de jazz de Montréal est assuré par le grand saxophoniste, flûtiste, compositeur et improvisateur américain Charles Lloyd. Un de ces rares jazzmen septuagénaires capables de maintenir très élevé l'indice de créativité, bien au-delà des acquis.

Q : Pourriez-vous donner un aperçu de vos trois concerts présentés à Montréal? 1er concert: Charles Lloyd «New Quartet» avec Jason Moran, piano, Reuben Rogers, contrebasse et Eric Harland, batterie. Vendredi 28 juin, 18h, Théâtre Jean-Duceppe

Nous sommes ensemble depuis six ans, nous partageons amour et respect mutuel. Je nomme cet ensemble «nouveau quartette» afin de le distinguer des autres que j'ai dirigés auparavant ou que je dirigerai peut-être un jour. Puisque la confiance entre nous est profonde [...], lorsque nous sautons dans la musique, c'est toujours une expérience rafraîchissante. J'aime que l'on puisse s'envoler tous ensemble - mais il ne faut pas regarder en bas!

2e concert: Charles Lloyd Sangam, avec Zakir Hussain, tablas, Eric Harland, batterie. Samedi 29 juin, 18h, Théâtre Jean-Duceppe

R : Après la mort du maître percussionniste Billy Higgins [en 2001], j'ai voulu lui rendre hommage, car notre relation intime remontait à mes 18 ans - il en avait 19. Lancé en 2004, notre dernier enregistrement en duo avait été enregistré au domicile de ma femme. Il était évidemment impossible de dupliquer ce duo pour cet hommage, mais... de l'autre rivage sont venus Eric et Zakir... Beaucoup d'amour dès la première bouchée! Lorsque fut lancé Which Way is East, l'album enregistré avec Billy, je les ai invités tous deux sur scène, en hommage à mon ami disparu. D'où l'album Sangam. En langue hindie, Sangam signifie confluence et représente un endroit en Inde où trois grands cours d'eau se rencontrent: Gange, Jamuna et Saraswati. Eric, Zakir et moi-même sommes aussi trois rivières: le Rio Grande, le Gange et le Mississippi.

3e concert: Charles Lloyd/Duos et trios avec Jason Moran et Bill Frisell. Dimanche 30 juin, 18h, Théâtre Jean-Duceppe

R : Si vous avez écouté l'album Hagar's Song paru cette année, vous avez réalisé que Jason et moi-même avons une profonde connexion. Alors? Il manquerait quelque chose à cette série si nous ne présentions pas ce duo, un orchestre en soi. J'ai aussi invité Bill Frisell à s'asseoir à nos côtés, cette collaboration est souhaitée depuis longtemps. Ce sera la première fois entre nous, mais puisque Jason et Bill ont souvent joué ensemble, ce devrait être une grande rencontre.

Q : Quelles ont été les rencontres les plus cruciales de votre trajectoire artistique?

R : Il y en a tellement! La première fois que j'ai entendu Phineas Newborn Jr à Memphis, qui m'a pris sous son aile alors que je n'étais âgé que de 9 ans et qu'il m'a trouvé un professeur me permettant de vraiment démarrer (Irving Reason) et qui m'a amené au sein du groupe de son père. Booker Little, mon meilleur ami à l'école secondaire, m'a tant appris sur la personnalité. Ornette. Monk m'enseigne encore. Gabor Szabo, mon frère poisson. Coltrane m'a montré le sutra de l'humilité. Duke et Strayhorn ont été déterminants pour leur beauté profonde et leurs encouragements. La grande chanteuse grecque Maria Farantouri m'a ouvert les horizons.

Q : Comment réussissez-vous à maintenir un tel niveau de créativité après tant d'années de carrière?

R : Je suis toujours à la recherche de l'intervalle parfait, ce son qui révèle tout. Jusqu'à sa découverte, je devrai continuer à chercher! Je ne peux rien tenir pour acquis. Pour garder la forme physique ou spirituelle, je profite de la solitude et de la nature. J'escalade les montagnes, je nage sous l'eau.